Sélections 2014/A:
mes vins valaisans préférés
Par Pierre Thomas
J’ai eu l’occasion, comme ces cinq dernières années, de regoûter la plupart des médailles d’or des sélections de printemps du Valais, de la sélection vaudoise, et les assemblages rouges de la sélection des vins de Genève.
Voici les vins que j’ai préférés et que j’ai notés à 85 points et au-delà. Valais : 44 vins ; Vaud : 35 vins ; Genève, 9 vins (88 vins au total, sur près du double dégustés).
En Valais, mes pointages ont été réalisés à l’aveugle (sauf Electus et les vins de Marie-Thérèse Chappaz, lire tout en bas de ce fichier), pour la Sélection vaudoise, en petit comité, en instantané, mais en connaissant l’origine exacte du vin, et à Genève, à l’aveugle, dans le jury de la presse de la Sélection de Genève.
En Valais, on rappelle la présention de
Electus 2010, noté 94/100
L’assemblage haut de gamme (190 fr. la bouteille !) de Provins-Valais, à dominante d’humagne, de cornalin et de diolinoir (à 60%), complétés par du cabernet sauvignon et du merlot (à 40%).
Un vin que j’ai trouvé encore légérement marqué par le bois au nez, à l’attaque souple, grasse, avec des tanins fermes ; un vin riche, puissant, avec une note d’amertume finale, et que je note à 93/100.
Mais l’expression du Valais ne s’exprime-t-elle pas dans le cornalin, l’humagne ou la syrah, pur ? J’ai trouvé deux magnifiques vins de ce type d’expression :
Cornalin 2012, Saint-Théodule, Les Serpentines, Gérald Besse, Martigny-Croix, 92
Robe pourpre profond, à reflets violacés ; nez vanillé, enveloppant, avec des notes florales, de lila ; attaque ample, juteuse ; belle matière, sur la confiture de cerise noire, avec une pointe de menthol en finale ; beau vin en pleine maturité, mais avec du potentiel de garde.
Syrah 2012, Cave Corbassière, Saillon, 92
Rouge profond, nuances violines ; nez à la fois fruité, de fruits noirs, vanillé et épicé ; attaque fraîche, sur un jus dense, à la finale poivrée, corseté par la barrique, bien intégrée ; un vin d’une grande personnalité et d’un beau potentiel.
Dans les rouges viennent-ensuite, à part le gamay, on notera de magnifiques syrahs 2012 :
Gamay 2013, Fernand Cina, Salquenen, 90
Pourpre à reflets violacés ; nez puissant, avec une note de sous-bois, de fougère ; attaque sur les fruits rouges ; belle densité en milieu de bouche ; tanins serrés, mais amènes ; belle longueur ; un gamay tout en finesse.
Syrah 2012, La Madeleine, André Fontannaz, Vétroz, 90
Rouge profond à reflets violacés ; nez de torréfaction, puissant, avec des nuances d’épices douces, de canelle et de tabac ; attaque vive, fraîche ; l’élevage s’efface derrière un jus fruité, dynamique ; grande longueur ; un vin bien balancé entre la matière première et l’élevage ; tanins présents, mais fondus, finale chaude et enveloppante.
Syrah 2012, Gilbert Devayes, Leytron, 89
Robe dense, presque impénétrable, à reflets violacés sur le disque ; nez de pain de seigle (du Valais AOP !) ; attaque ample, grasse ; tanins jeunes et fermes ; finale longue, qui laisse une impression rétronasale florale (pivoine) et agréablement épicée (poivre noir).
Syrah 2013, Fernand Cina, 88
Robe violacée brillante ; nez de fruits noirs, avec des arômes de cassis, de clou de girofle ; attaque ample ; milieu de bouche agréable, enveloppant ; tanins suaves ; belle matière première, avec une pointe de sucrosité enveloppante en finale. Un vin exubérant, presque oriental !
Syrah 2012, Diego Mathier, 88
Robe rouge profond à reflets violacés ; nez d’épices orientales, de cèdre, de coriandre fraîche ; attaque vive, puissante, sur des arômes empyreumatiques, mais aussi de pâtisserie, de chocolat noir et de café ; un vin puissant, charmeur, un peu tape-à-l’œil…
Pinot noir 2013, Le Soleil de Varone, Hans Bayard, Varen, 88
Carmin brillant à reflets violacés ; nez crémeux, élégant, avec des notes de cerise noire ; attaque sur la vivacité, puis sur une belle matière, ample ; belle trame tannique et belle longueur en bouche. Un beau pinot, un brin rustique, qui devrait gagner en arômes ces prochaines années !
Gamay Maurice Gay 2013, 88
Carmin, légers reflets brunâtres ; nez de fruits rouges, léger viandé ; attaque fraîche, finale sapide, avec des notes de framboises et de mûres sauvages ; un gamay fringant, agréable.
Dôle blanche 2013, Cave Les Sentes, Serge Heimoz, Sierre, 88
Robe pâle à reflets cuivrés ; nez agréable de fraise des bois, d’églantine ; attaque sur les fruits macérés, du gras, finale sur les fruits jaunes ; jolie densité, de la finesse.
Pinot Noir 2012, Cave Saint-Philippe (Philippe Constantin), Salquenen, 86
Pourpre à reflets violacés ; nez ouvert, de fruits rouges, avec une note florale de rose rouge ; attaque souple ; milieu de bouche soyeux ; finale sur des tanins fondus ; un pinot noir déjà son apogée, mais qui garde une agréable fraîcheur de fruit, grâce à un bon soutien acide.
Syrah 2012, Saint-Philippe (Philippe Constantin), Salquenen, 86
Robe dense, à reflets violacés ; nez de fruits noirs compotés, avec une note fumée ; attaque vive, sur une bonne matière, où l’on retrouve la fumée froide, et la cendre en fin de bouche, ainsi que des notes d’amande amère et de graphite ; un vin un rien austère, mais avec une rétronasale fruitée.
Cornalin 2013, Cave La Romaine, Les Empereurs, Flanthey, 86
Robe dense, presque noire, à reflets violets ; nez un peu masqué, de griotte, de cerise noire ; attaque sur le fruité, le sureau, la canneberge ; acidité rapicolante ; un vin encore très jeune, brut de décoffrage, avec des notes sauvages.
Cornalin 2013, Defayes-Crettenand, Leytron, 86
Robe dense, presque noire, à reflets violets ; nez frais, de jus de cerise noire ; attaque acidulée, sur le sureau ; bon milieu de bouche, sur les mûres sauvages et un peu de cassis ; belle matière, juteuse et fraîche, avec une note de café en fin de bouche.
Dôle 2012, L’Ardévaz, Famille Boven, St-Pierre-de-Clages, 86
Pourpre à reflets violacés ; nez de fruits sauvages ; attaque assez suave ; milieu de bouche un peu strict ; finale sur les fruits rouges sauvages, le sureau ; tanins jeunes et fermes ; devrait s’ouvrir dans les mois qui viennent ; une agréable interprétation moderne de la Dôle traditionnelle.
Dôle Leukersonne 2013, 85
Pourpre à reflets brillants ; nez de fruits rouges, avec une note de cerise confite ; attaque souple, sur du velours ; «un vin bien typé de cet assemblage valaisan traditionnel et très populaire» ; facile à boire ; pointe de rusticité tonique et acidulée en fin de bouche.
En blanc, meilleure note pour un archétype d’un cépage blanc, la petite arvine, traitée en liquoreux, membre de la Charte Grain Noble ConfienCiel :
Domaine Mont-d’Or, Petite arvine, Sous l’escalier, 2011, 92
Nez puissant, avec des traces de grapefruit confit ; attaque sur une grande liqueur ; de l’abricot, de la cassonade, de la rhubarbe ; bien balancé entre la sucrosité et l’acidité. Un beau vin de méditation à apprécier seul !
Marsanne 2013, David Rossier, Leytron, 91
Nez ouvert d’ananas mûr ; attaque souple ; beau volume en bouche ; vin gras, puissant ; belle matière première, riche et ample. Devrait vieillir admirablement ! Légère sucrosité en fin de bouche, qui soutient les arômes.
Arvine 2013, Gilbert Devayes, Leytron, 91
Nez discret, avec des traces de zestes de citron vert ; attaque vive, fraîche ; bien marquée par des arômes de grapefuit, de pomelo ; vin vif, fruité, dynamique. Sur un tartare de féra à l’aneth.
Fendant 2013, Cave La Madeleine, André Fontannaz, Vétroz, 90
Nez très original, presque empyreumatique ; attaque ample, grasse ; beaucoup de volume, sur un perlant fin ; complexe, avec une note d’amande amère en finale ; long en bouche et persistant.
Heida-Païen 2013, La Régence Balavaud, Vétroz, 90
Nez ouvert, ample, sur l’ananas ; attaque ample, grasse ; belle structure, sur des arômes persistants de zestes de citron jaune ; long et puissant, gras.
Johannisberg 2013, Cave La Pleine Lune, Christian Crittin, St-Pierre-de-Clages, 90
Nez discret, avec des arômes de fleurs de sureau ; attaque ample, grasse ; belle tenue en bouche, sur une matière large ; du gras, presque de la suavité, bien balancée avec l’acidité et la minéralité en fin de bouche.
Humagne blanche 2013, Réserve du caveau, Fernand Cina, Salquenen, 90
Nez de fruit à noyau, de prune reine-claude; attaque ample ; beau vin, grande ampleur, marqué par la minéralité ; finale sur l’amande amère. «Un beau spécimen de ce rare cépage blanc typiquement valaisan» ! Sur un fromage de chèvre frais. 5 à 10 ans. Coup de cœur. 90
Johannisberg 2013, Sélection Yann Comby, Chamoson, 89
Nez d’amande douce ; attaque ample, grasse, presque huileuse ; beaucoup de matière, de la densité. Grand vin riche, apte à un long vieillissement, malgré le peu d’acidité perceptible…
Johannisberg 2013, Fernand Cina, Salquenen, 89
Nez d’allumette frottée ; attaque sur un léger perlant, beaucoup de matière, de la minéralité, soulignée par une discrète amertume. Beau vin de terroir, riche et long, avec un finale sur des fruits à noyau.
Johannisberg 2013, Cave La Romaine, Joël Briguet, Flanthey, 88
Nez d’amande douce ; attaque sur les fruits jaunes, la mirabelle ; belle matière en bouche, grasse, puissante, note de poire Williams ; légère douceur en fin de bouche, mais bien équilibrée avec l’amertume caractéristique du cépage.
Johannisberg 2013, Cave de l’Ardévaz, Famille Boven, St-Pierre-de-Clages, 88
Nez d’amande douce ; attaque souple, sur les fruits jaunes à noyau, la mirabelle ; belle densité en milieu de bouche ; finale fraîche et ample à la fois, soutenue par une belle acidité.
Fendant 2013, Cave Caloz, Anne-Carole et Conrad, La Morzière, Miège, 88
Nez de verveine ; attaque ample, riche ; finale souple, sur les fruits jaunes, avec une note de minéralité ; matière bien enveloppée, avec des notes de citron jaune confit en fin de bouche. Riche et opulent.
Heida-Païen 2013, Maurice Gay, St-Pierre-de-Clages, 88
Nez ouvert, de fruits jaunes bien mûr, de mangue ; attaque sur le citron vert, une acidité rapicolante ; belle fraîcheur en bouche ; de la longueur. Long, complexe, rappelle la petite arvine, par sa structure acide.
Marsanne 2012, Les Tonneliers, Robert Gilliard SA, Sion, 88
Nez empyreumatique, marqué par la noix de coco; attaque ample, grasse, large ; belle matière : «le boisé vanillé lui va bien» ; un vin au style international, puissant et bien bâti.
Arvine 2013, La Régence Balavaud, Vétroz, 88
Nez ouvert, citron vert, pamplemousse ; attaque vive, citronnée ; acidité dynamique ; un vin plein, riche, bien soutenu par l’acidité ; finale sur le grappefruit.
Fendant 2013, Les Celliers de Vétroz, Grand Cru, 87
Nez d’herbes sèches, de verveine, de menthe sauvage ; attaque sur une belle matière mûre ; bouche ample et structurée ; finale longue, sur une minéralité agréable.
Arvine 2012, Cave de Corbassière, Leytron, 87
Nez ouvert d’ananas ; léger perlant ; en bouche, marqué par la rhubarbe ; vin frais et bien structuré, long en bouche ; finale légérement saline.
Humagne blanche 2012, Defaye-Crettenand, Leytron, 87
Jaune soutenu à reflets or ; nez d’allumette frottée ; attaque souple ; milieu de bouche ample et large ; de la puissance, mais un bon soutien acide.
Domaine de Mont-d’Or, Johannisberg Saint-Martin 2011, 86
Belle robe tirant sur le vieil or ; nez puissant, de fruits confits ; attaque ample, grasse ; beaucoup d’élégance en milieu de bouche ; un vin gras, plein ; finale sur la poire confite.
Arvine 2013, Cave La Danse, Francis Salamin, St-Léonard, 86
Nez puissant, d’allumette frottée, de silex, puis de fruits exotiques, de mangue, de fruit de la passion ; attaque saline ; beau volume en milieu de bouche ; fin long, puissant, avec un retour sur le grappefruit.
Johannisberg 2012, Provins-Valais, Rhonegold, Sion, 86
Nez très ouvert, de fleurs blanches, de glycine, avec une note miellée ; attaque sur le miel, la pâte d’amande, le gras ; très long, complexe ; on retrouve les fleurs de sureau, voire la truffe blanche, en fin de bouche.
Heida-Païen 2013, Cave de L’Ardévaz, Famille Boven, Saint-Pierre-de-Clages, 86
Nez exotique de fruit de la passion, avec une note minérale ; attaque ample, grasse ; bouche large ; beaucoup de corps ; finale assez souple et agréable ; puissant et élégant à la fois.
Heida-Païen 2013, Affinité blanche, Antoine et Christophe Bétrisey, Saint-Léonard, 85
Nez complexe de fruits exotiques mûrs, fruit de la passion, mangue ; attaque souple ; du gras, une impression de sucrosité, qui soutient les arômes ; belle persistance aromatique.
Humagne blanche 2013, Cave La Romaine, Les Empereurs, Flanthey, 85
Nez vanillé, trahissant l’élevage en bois ; attaque beurrée ; bonne structure en milieu de bouche ; vin bien construit, sur l’empyreumatique et la vanille.
Fendant 2013, Balavaud Grand Cru, Jean-René Germanier, Vétroz, 85
Nez de foin coupé ; attaque sur le gras, la puissance, avec une belle minéralité en fin de bouche ; un chasselas dense, au bon potentiel.
Fendant 2013, Tradition, Domaine des Muses, Sierre, 85
Nez minéral, marqué par la pierre chaude, le silex ; attaque souple, ample ; un vin bien ouvert, flatteur, sur une matière mûre, avec du gras et une pointe de douceur en finale.
Muscat 2013, Defaye-Crettenand, Leytron, 85
Nez ouvert de rose fanée, avec des zestes de citron confit ; attaque souple, avec un léger perlant ; structure moyenne, un peu beurrée ; finale sur l’amertume propre aux cépages aromatiques ; un vin sec et fringant.
Lire aussi: mes vins vins vaudois et genevois préférés en 2014
Ma visite chez Marie-Thérèse Chappaz
Rendre visite à Marie-Thérèse Chappaz, dans la belle maison de La Liaudisaz, dotée depuis l’an passé d’un grand couvert-avant-toit et bientôt d’une magnifique salle de dégustation dans ce qui fut la première cave de vinification (aujourd’hui, la vigneronne dispose d’une cave à Saxon), demeure un événement de l’ordre du pèlerinage de fin de mise en bouteilles. «Je ne fais pas de vins de fruit!», décrète l’icône des vins suisses, entre mille choses à faire. Et on déguste, dans la fraîcheur venteuse d’une journée pluvieuse de début d’été (mercredi 9 juillet 2014), tandis que la vigne s’est déjà montrée généreuse, et qu’il a fallu faire tomber nombre de grappes en devenir… Inutile de dire que ces vins ne sont jamais présentés en concours et qu’ils sont quasiment épuisés à la vente.
Des trois fendants, le Président Troillet 2013 (88/100), cultivé à mi-coteau, dans un sol sec, est le plus corsé, avec son nez d’herbes sèches, une attaque ample, un coeur de bouche de fruits à noyaux, une finale sur la minéralité, soulignée d’une légère amertume: les vins de M.-Th. Chappaz ne craignent jamais l’amertume! Le fendant Plaimont 2013 (87) est plus facile d’accès, avec sa bouche sur la pêche et l’abricot, tandis que La Liaudisaz 2013 (86) (assemblage de parcelles) est plus citronné, mais aussi un rien lactique — c’est le seul qui a fait sa deuxième fermentation.
Trois arvines aussi, si on inclut celle qui figure dans l’assemblage, Grain Cinq 2013 (88), du Domaine des Claives, et qui marque bien aromatiquement ce blanc amène, au nez d’agrumes, à l’attaque sur les fruits exotiques, le citron vert et à la finale délicatement saline (la petite arvine accompagne l’ermitage, le païen, le pinot blanc et le sylvaner (ces trois derniers n’existent pas en monocépage). La petite arvine La Louye 2013 (86), avec un léger amylique et un peu de lactique (la seule à avoir fait sa seconde fermentation), possède un joli gras: attendre que tous les éléments se mettent en place! On retrouve le citron vert, mais aussi la menthe fraîche et l’écorce de grapefruit sur la Grain Arvine, Président Troillet 2013 (90), d’une belle acidité tranchée, avec une finale saline. Pour le «fun», une barrique de Grain Arvine Les Seilles 2012 (85), très marquée par le boisé, style noix de coco…
Du bois encore sur le Grain d’Or 2012 (92), des Claives, ermitage remarquable, en devenir, 95% de marsanne, 5% de roussanne, avec quelques vieilles vignes frisant le centenaire! Le nez est certes marqué par l’élevage, mais la bouche est tout en rondeur, en puissance, en gras, avec des arômes encore jeunes de pêche blanche, de melon, qui évolueront sans doute vers la truffe blanche…
Le rosé 2013, Rhodonite (86), intègre une notable partie de pinot noir, en plus des saignées sur les autres cuves de rouges: un nez d’herbes fraîches, une certaine tannicité, pour un rosé original et bien sec. Pour l’anecdote, dans des fioles de 20 cl à vis, un vin Rouge Nature (86), sans sulfite ni filtration, un pinot-gamay au joli nez de raisin frais, mais qui picote un peu sur la langue, avec une finale légèrement métallique…
Le gamay 2013 (87), s’il a une robe peu dense, exhale de puissants arômes épicés et poivrés, avec une belle fraîcheur, une structure plutôt légère, avec une note de groseilles rouges (raisinets); un vin de soif, estival! La Dôle La Liaudisaz 2013 (88), composée classiquement de 70% de pinot et de 30% de gamay (avec un tout petit peu de galotta…), présente un joli nez de fruits rouges, une attaque fraîche, et une finale où on retrouve la touche épicée du gamay. Une très jolie dôle, ma foi!
Marie-Thérèse Chappaz est fière de ses pinots noirs, en 2013, présentés en trois versions: le Grain Pinot Chamoson 2013 (88) s’ouvre sur un joli nez épicé, avec une note fumée due à l’élevage en barrique, une attaque assez suave, tendre, sur la fraîcheur du fruit; le Grain Pinot Charrat 2013 (86) offre un nez plus sauvage, avec des tanins serrés, encore austères, tandis que le Grain Pinot Champ Dury 2013 (90) joue dans le registre bourguignon, nez fumé, avec un léger toasté-café, une attaque souple, nerveuse, sur un jus bien concentré qui cache des tanins serrés, un pinot qui s’élargit en bouche et promis à un bel avenir.
Pas de Grain Cornalin en 2013, ni d’humagne, si l’on excepte le Grain Sauvage Les Billons, uniquement en magnum (non dégusté), mais un magnifique Grain Mariage 2013 (92), 35% de cornalin, 65% d’humagne, vinifiés séparément, puis assemblés. Beau nez de cerise noire, de griotte, qu’on retrouve en bouche, sur une matière dense et dynamique, où l’on ne perçoit pas une seule note boisée… et pourtant ce vin a été élevé en fûts (dont un de 600 litres). Un rouge très agréable, gourmand!
Malgré un peu de réduction, j’ai bien apprécié le Grain Syrah 2013 (90) (et arraché la dernière bouteille!), avec son splendide nez éclatant d’épices, sa belle tension en bouche, avec des notes de cacao, ses tanins à la fois souple et néanmoins serrés, ses notes poivrées et sa légère amertume finale… Pour le Grain Noir (90), l’assemblage bordelais (50% merlot 45% cabernet sauvignon, 5% cab franc), on est sur du 2012: Marie-Thérèse Chappaz dit préférer aujourd’hui la densité des rouges 2013 aux 2012. Hélas, il y aura très peu de Grain Noir 2013, année de petite récolte, et ce 2012 s’avère d’un grand classicisme, encore mentholé au nez, avec une belle trame et une honnête puissance.
Là où s’arrête souvent une (belle) dégustation s’ouvre une formidable page de «vendanges tardives». En 2011 et 2012, Marie-Thérèse Chappaz a fait fort, très fort! Comme entrée en matière, une biennommée Vendange Tardive 2012 (90), récoltée en grappes entières de petite arvine (60%) et d’ermitage (40%), passée 18 mois en barriques: un vin bien marqué par la pomme cuite au nez, puis la poire Williams en bouche, avec de la douceur, mais de la fraîcheur aussi. La Malvoisie 2012 (91), sur ardoises du Botza, à Leytron, est la dernière de l’histoire du domaine: la vigne, difficile à cultiver, a été cédée à un viticulteur saviésan. La page se tourne sur une très belle expression du pinot gris surmaturé, au nez de tarte aux pommes, avec un milieu de bouche riche, de pâte de coing, une très belle longueur et une pointe d’amertume finale.
Premier des trois «Grain Noble ConfidenCiel», Grain Noble 2011 (90), une marsanne blanche largement botrytisée, au nez élégant, mais qui surprend en bouche par sa très faible acidité; un vin d’une grande liqueur, crémeux, avec de légères notes de champignons… La Petite Arvine 2011 a donné du «grain par grain» (94), en dix passages, par dix personnes, soit du raisin pressé dans un petit pressoir vertical, pour 60 litres de jus. On frise l’Escenszia du Tokay hongrois (lire par ailleurs nos reportages de juin 2014 sur le Tokay!), avec un nez de datte et d’ananas confit, des fleurs blanches aussi, de l’abricot, avec une puissance et un gras d’une belle suavité (plus de 300g/litre de sucre résiduel pour 8 d’acidité et 8,5% d’alcool). La vigneronne avait déjà fait du grain par grain sur l’arvine en 2007. A 373 francs le litre (140 fr. la demi-bouteille), la petite arvine grain par grain 2011 est, sans doute, le vin suisse le plus cher de tous les temps…
On lorgne davantage encore vers la Hongrie avec la Marsanne 2011 «5 paniers» (94): cinq mesures de grain à grain ont été incorporée dans le moût de la marsanne, en fermentation, et donc macérés avant fermentation: la seule différence avec le Tokay, c’est que l’ajout des cinq paniers n’est pas venu enrichir une base de vin sec. Le liquide est presque huileux dans le verre, et au nez, on y trouve presque une note d’olive verte parfumée, en sus de l’écorce d’orange, avec une très légère note volatile (en-deça des grands tokays, dont c’est la «marque de fabrique!»), , de l’abricot, du gras, de la longueur: il n’en restait plus une goutte après notre passage.
©thomasvino.ch/Pierre Thomas, juin et juillet 2014.