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Posted on 17 mai 2017 in Vins suisses

Jean-Michel Novelle: retour à Genève en 4.0

Jean-Michel Novelle: retour à Genève en 4.0

A 53 ans, Jean-Michel Novelle a décidé de revenir sur «ses terres». Renonçant à ses mandats d’«œnologue volant», il propose ses vins du millésime 2016, dans un style fruité et sans bois. Un paradoxe (de plus…) pour l’ex-«enfant terrible» du vignoble suisse.

Par Pierre Thomas

Jean-Michel Novelle a, vingt ans durant, consulté dans de nombreux domaines du Sud de la France, petits ou grands. Il a décidé de ne garder qu’un seul mandat, dans l’hémisphère Sud, soit avec des opérations viticoles inversées : les vendanges y ont lieu en avril ! Il continuera de conseiller Amayna, un magnifique domaine situé dans la vallée de Leyda, entre Santiago et Valparaiso, séparé de la côte pacifique par des collines. Il y signe trois vins reconnus parmi les meilleurs du Chili, à base de trois cépages qui lui sont chers, à Genève aussi : le sauvignon blanc, la syrah et le pinot noir.

De jeunes vigne de 1980 devenues respectables

Au début des années 1980, Jean-Michel Novelle faillit devenir un «nez» du parfum. Plutôt que d’être aspiré par une carrière industrielle et internationale, il choisit de revenir au domaine familial du Grand Clos et arracha l’essentiel de ce vignoble presque d’un seul tenant (sur 7 hectares) à la sortie de Satigny, dans le coteau de Peissy. La démarche était révolutionnaire. Il y conserva certes de vieux plants de gamay (qui ont 80 ans aujourd’hui), un peu de pinot noir et quelques ceps de chasselas. Mais il y ajouta du sauvignon blanc, peu planté à l’époque, du cabernet, du merlot, de la syrah, du viognier, du pinot blanc, du pinot gris, du savagnin blanc et rose, du muscat ottonel. Et encore, de la petite arvine et du petit manseng, deux grands cépages blancs, l’un du Valais, l’autre du Sud-Ouest de la France. Au total, 16 cépages, pour autant de vins, car Jean-Michel Novelle a toujours préféré les vins monocépages. Il a fait quelques entorses, comme pour l’Empreinte blanc, un assemblage d’entrée de gamme, de plusieurs cépages blancs, un vin facile à boire, qui a du succès dans les bars à vins de Genève. Et, en plus extravagant, son «Solera», un vin liquoreux à base de petite arvine, de petit manseng et de sauvignon, tirés de grappes passerillées (séchées). Décidé en 2002, ce vin n’a été mis en bouteille qu’une seule fois, en 2014, soit un assemblage de cinq millésimes. Les millésimes suivants ont servi à «recaper» le reste de la cuve, pour perpétuer le système de la «solera».

Non au chêne, mais oui aux levures!

En Andalousie, c’est la formule historique du xérès, qui permet d’entretenir une batterie de vieux fûts avec lesquels le maître de chais jongle pour obtenir le meilleur vin possible, selon le style choisi… Sauf que Jean-Michel Novelle, pourtant un des pionniers de l’élevage sous bois en Suisse, a renoncé à la barrique. Pour le 2016, aucun de ses vins ne connaîtra le chêne : ni les blancs, ni les rouges. «Mes vignes ont atteint l’âge idéal. Elles ont produit des raisins magnifiques. Je renonce à toute aromatisation par le bois», dit-il devant ses cuves inox à «chapeau flottant». Elles lui permettent de jouer avec les volumes des vins : sur 7 hectares, le domaine du Grand Clos ne produit que 25’000 bouteilles par an.

En cave, Novelle est partisan d’un «protocole simple», qui débute par une macération pelliculaire sur tous les cépages, y compris sur le chasselas, dont il va faire, en 2016, une bouteille de… non-filtré ! C’est là, dans son jus, sous protection de la neige carbonique, que le raisin exprime ses premiers parfums, ses premiers arômes, qu’il s’agit de conserver tout au long de la vinification. Pas question de faire fermenter ses vins spontanément : «Je demande aux levures de transformer le sucre en alcool le plus rapidement possible. Il faut que cette première fermentation se fasse vite, car je ne fais pas la deuxième, la malo(lactique), sur mes blancs. Ensuite, mes vins restent sur leurs lies, qui doivent être propres : la lie, c’est la vie.»

Ni «vin nature», ni barrique

Plusieurs transvasages, un stockage de plusieurs mois en cuve, puis la mise en bouteille, après une filtration fine. C’est simple… mais ça n’est pas du «vin nature». Car s’il a presque renoncé au SO2 sur un gamay «fruit» sans malo, ses autres vins sont sulfités en fonction des besoins. Jean-Michel Novelle n’entend pas faire courir le risque des défauts œnologiques à ses clients et il dit pis que pendre des «vins nature qui sentent le purin».

Pas question, non plus, de revenir sur l’abandon de la barrique : «J’ai quitté cette ornière. C’est une forme d’aromatisation. Et que veut le consommateur aujourd’hui ? Il veut du fruit, des vins qui sont à leur optimum dans leur jeunesse et pas dans une hypothétique vieillesse.» Si elle s’explique pour les blancs, cristallins, marqués par des arômes d’agrumes (tous y passent : citron, citron vert, iuzu, cédrat, grapefruit), la règle vaut aussi pour les rouges. Ils sont laissés à la pureté du raisin, comme ce cabernet sauvignon 2016 parfaitement mûr, soutenu non pas par des tanins verts, mais par une belle acidité : «Il vieillira très bien sans bois !». La syrah explose de senteurs florales de violette et d’arômes poivrés, tandis que le merlot paraît un tantinet plus variétal…

Avec ses vins fruités sans fard, Jean-Michel Novelle revient aux affaires et s’occupe désormais de la commercialisation, rendant hommage, au passage, à sa maman qui a «tenu la baraque» jusqu’à 85 ans.

Sur le net : www.novelle.wine

Paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo du 17 mai 2017.