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Posted on 29 mai 2020 in Tendance

Le vin en très mauvaise posture

Le vin en très mauvaise posture

Le vin est-il en plus mauvaise posture qu’il n’y paraît ? Un «panel» suisse, basé sur la restauration, donne des chiffres. Et une enquête du «Monde», daté du 27 mai, étaie le fait évoqué ici que 50% des ventes en bouteilles se sont écroulées en France, notamment avec la fermeture des cafés, restaurants, hôtels, l’arrêt du tourisme, le recul des exportations vers les Etats-Unis (et les lourdes taxes Trump), la Chine et la Grande-Bretagne.

En Suisse, selon l’enquête de Grossopanel AG, à Stans, le chiffre d’affaires des denrées alimentaires s’est aussi effondré en mars et en avril. Rappel : le confinement est intervenu à mi-mars (et s’est poursuivi sur les trois quarts de mai…). En regard des mêmes mois de l’année 2019, par rapport aux aliments en général, les «boissons alcooliques», dont le vin, ont immédiatement souffert : -17,5% pour les aliments, contre -36% pour les boissons alcooliques et -25% pour les boissons sans alcool, en mars. Pour avril, les boissons alcooliques résistent mieux -43,5% contre -50,5% pour les sans alcool et -55,3% pour les aliments en général.

Cet effondrement massif est dû au secteur HoReCa, puisque le commerce de détail affiche une hausse de son chiffre d’affaires de +2% en mars et une baisse de -9% en avril. La chute du chiffre d’affaires de la gastronomie en général (-48,9% en mars, -83,6% en avril), celle des hôtels (-45,8%, -81,1%), des restaurants (-43,2%, -75,6%), des cantines (-26,5%, -65,4%), des cafés et tea-room (-26,5%, -57,6%), des traiteurs (-16%, -43,6%) et, dans une moindre mesure, des fast food (-19% en mars, mais seulement -20,5% en avril) se répercutent sur l’achat des denrées et boissons. Toutefois, la Suisse a un peu mieux résisté que l’Allemagne (-19,3% en mars, -54,8% en avril) et surtout que l’Autriche (-39% en mars, -71,3% en avril).

Le vin ? Pas de première nécessité !

La France a publié un sondage effectué fin mars, début avril, auprès de 2000 personnes : 11% déclaraient boire davantage, 24%, moins. La vente des bouteilles de vin aurait chuté de 40 à 50% au minimum, affirmait, le 15 mai, le mouvement Vin et Société. Le Monde a mis trois de ses journalistes sur le sujet. Pour une responsable des interprofessions des AOP-IGP, «la période prouve que le vin n’est pas un produit de première nécessité». Les ventes en hypermarchés auraient chuté de 10%, même si celles des commerces de proximité auraient progressé de 15%, mais pour un volume de vin sans comparaison.

L’e-commerce du vin aurait grimpé de 73%, mais avec la commande de vins à bas prix (exemple d’un prix moyen de la bouteille sur un site passant de 21 à 16 euros). L’agence SoWine confirme que «les hausses de volumes sont anecdotiques par rapport à la baisse des prix». Pour la même intervenante des interprofessions AOP-IGP, la tendance, depuis 20 ans, qui était de « boire moins et mieux» (donc plus cher) se serait inversée avec le confinement en faveur de «boire moins et moins cher». Le BIB («bag-in-box») devrait gagner quelques points face à la bouteille…

Bordeaux et Champagne mal pris

Les vins les plus chers, destinés aux cavistes et aux restaurants, ne trouvent plus preneurs. Ce qui se vérifierait à Bordeaux, pour les grands crus classés, privés de la campagne des primeurs du millésime 2019. Celle-ci devrait être délocalisée, notamment avec une dégustation à Zurich en juin, pour les journalistes invités et les professionnels, avant la dégustation des 2018 des 2 et 3 novembre à Zurich et Genève.

Autres points délicats : le champagne, délaissé, les rosés, mal partis avant le début de l’été, malgré le beau temps. Et le risque de faillite des vignerons les plus fragiles. Car même des vins vendus avec d’énormes rabais par des petits vignerons n’ont pas modifié la tendance de fond. Celle du «boire moins et moins cher».

Quant aux aides publiques, elles ne font l’unanimité. Ni en Suisse (où la mesure des 10 millions de francs mis à disposition pour le déclassement de vins, moyennant la baisse des quotas, est contestée): l’appel d’offre figurera sur le site de l’Office fédéral de l’agriculture le 1er juin. Ni en France, où, selon le site Vitisphère, les millions mis à disposition de la filière viticole seront moins importants que pour d’autres secteurs, la campagne de distillation demeurant dans le flou. Reste la possibilité d’un fond d’entraide de l’Europe, mais des pays non-producteurs de vin n’en voudraient pas ! Swiss Wine Promotion a décidé de faire le forcing sur les vins suisses proposés au verre dans les cafés, restaurants et hôtels, cet été…

©thomasvino.ch