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Posted on 30 novembre 2021 in Tendance

Swiss Wine Vintage Award 2021: le millésime 2011 dans le rétroviseur

Swiss Wine Vintage Award 2021: le millésime 2011 dans le rétroviseur

Le 28 novembre, à Zurich, en lever de rideau du Swiss Wine Tasting, qui a attiré la foule au Kongresshaus, a eu lieu la proclamation des résultats des SWVA (Swiss Wine Vintage Award) portant sur le millésime 2011. J’ai rédigé, pour le site Internet dédié des SWVA, l’introduction à cette année un peu particulière, où certains vins suisses se sont fort bien tenus.

Par Pierre Thomas

Que raconte un millésime dix ans après, soit huit à neuf ans après la mise en bouteilles des vins? A-t-il encore quelque chose à nous dire ou s’est-il déjà tu ? C’est précisément ce que tente de découvrir le Swiss Wine Vintage Award qui est décerné pour la 7e fois en 2021 par Swiss Wine Connection.

Dix ans après, de quoi se souvient-on? La décennie 2010–2020 a livré son lot de millésimes mémorables, comme 2010, 15, 16, 18, 19 et 20. Et de quelles autres années se souvient-on? Le millésime 2011 a été chahuté par la météo, mais sans accident naturel majeur (gel ou grêle) ni maladie particulière (mildiou, oïdium, pourriture grise). Le Vaudois Raoul Cruchon résumait la météo de 2011: «On a connu l’été au printemps et l’hiver en été. La vigne ne savait plus à quelle saison se vouer…» (tiré d’un article sur le site Internet www.thomasvino.ch)

Des Chasselas qui se sont bonifiés

Malgré une fleur précoce, les Chasselas ont pu échapper à un gel dévastateur à ce stade de la vigne. Et ils ont été sauvés par un automne magnifique, qui a autorisé les vignerons à attendre une parfait maturité pour vendanger. Dans ces conditions climatiques, les blancs se sont bien comportés. Après dix ans d’âge, les Chasselas révèlent leurs qualités de cépage qu’on boit souvent trop jeunes ou uniquement dans leur jeunesse: s’il est vrai qu’entre quatre et sept ans, ils peuvent accuser un déficit d’expression, au-delà, ils retrouvent une personnalité affirmée. Même dans une seule région comme La Côte ou Lavaux, les Chasselas expriment bien leur différence de terroir et, surtout, de style voulu par chaque vigneron. Et c’est bien le cas pour les 2011 !

L’année fut aussi de grande production, plus 8,6% en moyenne nationale, par rapport à 2010. Et les chiffres révèlent que la consommation de vins suisses commençait aussi à baisser cette année-là, de 2,3%, une tendance qui se confirmera les années suivantes. Ces paramètres peuvent avoir pesé sur les décisions prises par les œnologues, en fonction de la matière première de l’année. Pour les rouges, plusieurs vignerons soulignaient que les tanins assez puissants de 2011 nécessitaient d’attendre qu’ils s’arrondissent. Il est possible qu’une macération à froid ou qu’une extraction trop importante renforce encore ces tanins anguleux, ou que la maturité phénolique, après un été très frais, n’ait pas été atteinte. Sur quelques rouges, dix ans plus tard, le trio de dégustateurs a décelé un manque de fruit, notamment sur certains Pinots Noirs de la Suisse alémanique, «serrés» par leur masse tannique.

Les merlots tessinois ont tenu leurs promesses

Au Tessin, d’emblée, le millésime 2011 avait été jugé de grande qualité : dix ans plus tard, les rouges, de la Bondola aux assemblages à Merlot dominant, en passant par les Merlots «in purezza», confirment ce jugement. Ces vins ont bien tenu la distance et procurent de grands plaisirs gustatifs à qui a su les conserver dans de bonnes conditions.

Un mot des liquoreux valaisans : l’année, très sèche dans l’arrière-automne, n’a pas favorisé la «pourriture noble» et les vins sont tirés de raisins séchés sur souche.

On le vérifie une fois de plus : avec le temps, les différences entre les vins ont tendance à s’accuser. Autre phénomène récurrent : le bouchage, traditionnel avec du liège, peut offrir des surprises. Dans quelques cas (plus ou moins 5%), sur un doute après la dégustation de la première bouteille, la deuxième s’est avérée franchement «bouchonnée», et il a fallu déguster, finalement, une troisième bouteille pour se faire une idée du vin. C’est un phénomène connu qui, lui aussi, s’accentue avec l’âge: après vingt ou trente ans, il n’est pas rare de constater que chaque bouteille d’un vin s’exprime différemment. Même si la formule n’est pas chimiquement défendable, le vin reste un produit vivant. Les descriptifs de chaque vin se réfèrent donc à une dégustation précise, fin octobre 2021. Bonne découverte !

Le contexte de la dégustation

Le Swiss Wine Vintage Award 2021 a examiné à la loupe 100 vins du millésime 2011 de 76 vignerons et vigneronnes de toutes les régions viticoles de Suisse. 44 d’entre eux provenaient du Trésor de la Mémoire des Vins Suisses. La dégustation s’est déroulée à l’aveugle, fin octobre 2021, à Zurich, en tenant compte des cépages et de la situation géographique. Le prix a été décerné à 70 vins au total, dont 38 du Trésor, qui ont obtenu 17 points ou plus sur l’échelle de notation de 20 points par le jury.

Membres du jury

Hans Bättig, spécialiste en analyse sensorielle, responsable de la dégustation (hb)

Martin Kilchmann, journaliste spécialisé en vin (mk)

Pierre Thomas, journaliste spécialisé en vin (pts)

Échelle d’évaluation

– 17 points: très bon

– 18 points: excellent

– 19 points: exceptionnel

– 20 points: hors classe

©thomasvino.ch