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Posted on 5 juin 2008 in Conso

L’éthique est-elle soluble dans le vin ?

L’éthique est-elle soluble dans le vin ?

Etiquettes et pub décalées
L’éthique est-elle soluble dans le vin?
DIVO, à Penthalaz (VD), redore son blason de la «Défense et illustration des vins d’origine» par une campagne de publicité qui dénonce le manque d’authenticité des produits standardisés. L’éthique est-elle soluble dans le vin?
Pierre Thomas
Ce pourrait être une campagne de pub comme les autres, avec une nuance d’«y’en a point comme nous». Mais le négoce, qui appartient au groupe agricole suisse Fenaco, s’appuie sur une longue tradition dont son directeur, Christophe von Ritter, est le garant. «Nous ne vendons pas n’importe quels vins», assure le slogan des annonces et cartes postales qui proclament, par exemple, «Château Malchoisi, 0% de personnalité, conformisme 750 ml» ou «Côte de l’Industrie», mis en bouteille à l’usine, 20% trucage, artificiel 750 ml».
Un club pour oenophiles avertis
Si DIVO n’a plus de cuvées suisses sous sa propre étiquette, le négociant favorise des vins proches de leur terroir, par exemple en Sicile, avec un projet «nero d’avola» original. Appuyé par le meilleur sommelier d’Europe 1998, Eric Duret, le négociant démarche encore peu l’HORECA, et reste basé sur ses 22'000 adhérents, dont la moitié se contentent de payer une cotisation et de recevoir des informations. A contrario, il n’est pas nécessaire d’être membre pour devenir client. Un nouveau site Internet est mis en ligne, qui permettra de gérer son compte et de se faire livrer son vin à domicile.
Du vin et des idées
A sa fondation, en 1936, par le polémiste genevois Constant Bourquin, qui avait un chalet à Saint-Luc (VS), DIVO fut d’abord «un mouvement d’idées et d’intellectuels». A l’époque des vins de Bourgogne «hermitagés» (renforcés par les vins des Côtes-du-Rhône) et des crus chaptalisés, ce club menait des campagnes en faveur de l’authenticité du produit. Aujourd’hui, Christophe von Ritter se bat contre le 51%-49%, la règle vaudoise qui permet, sous l’étiquette d’une origine précise, d’assembler du vin des voisins. Une pratique que l’Union européenne réprouve. Et les Vaudois sont en train de mettre un peu d’ordre dans leurs appellations : Féchy, la semaine passée, a décidé de camper sur son nom et refuse l’extension de son aire d’appellation. Cette solution est pourtant envisagée pour «corriger» l’effet du 51%-49%, puisque les aires d’AOC vaudoises sont minuscules à l’échelle européenne — la surface viticole du canton de Vaud, 3838 ha, est à peine plus étendue que celle de Châteauneuf-du-Pape, 3153 ha!
Surfer sur la vague Mondovino?
Malgré le ton vif et décalé de la campagne de pub, Christophe von Ritter se défend : «Nous ne sommes ni des talibans ni des sectaires». Le succès du film «Mondovino» devrait apporter du vin au moulin de DIVO. Sauf qu’entre le paradis des uns et l’enfer des autres, il peut y avoir une grande latitude: le négociant suisse a des affinités pour les vins de Victor de la Serna, journaliste espagnol fameux devenu producteur, que Jonathan Nossiter, le réalisateur de «Mondovino» pourfend rudement. «Ce que de la Serna a créé à partir de rien — une région, un vignoble, un goût du vin — n’a aucun avenir significatif en termes de partage et de transmission», écrit-il dans «Le goût et le pouvoir», paru chez Grasset. Entre adeptes de l’une ou l’autre chapelle, Bacchus reconnaîtra les siens.

Article paru dans
Hôtel Revue, le 5 juin 2008.