Les réussites les plus remarquables de 2006-2007
Les vins réussis de l’année
Les «sélections régionales» des vins suisses sont terminées et le Grand Prix du Vin Suisse joué (lire en fin d'article). Tirées de leur palmarès, les réussites de l’année, vins blancs 2007 et assemblages rouges 2006 en tête.
Par Pierre Thomas
Chaque région met sur pied ses sélections annuelles, avec ses propres critères de jugement. Les dégustateurs se sont montrés sévères avec les vins neuchâtelois (257 vins dégustés de 32 encavages et 21 sélections d’or seulement) et les vins genevois (530 vins de 65 encaveurs et 54 médailles d’or). Les deux plus grands cantons viticoles sont aussi les plus larges. En Valais, sur les 948 vins dégustés (une deuxième session aura lieu l’automne), venant de 142 producteurs, 75 «étoiles d’or» et 436 «étoiles d’argent, et en Pays de Vaud, 982 vins dégustés, de 230 producteurs, avec 290 vins «diplômés», sans «distingo» d’or ou d’argent. Ainsi, l’amplitude est de moins de 10% de vins primés à Neuchâtel à plus de la moitié en Valais, en passant par les 30% vaudois.
Petites arvines, réussites de 2007
Même avec des règles à géométrie variable, ces concours offrent une photographie instantanée des vins suisses. La sélection valaisanne récompense ainsi de somptueuses petites arvines 2007, par exemple celle de Christian Crittin (Cave de la Pleine Lune, St-Pierre-de-Clages), de Jean-Daniel Favre (La Tornale, Chamoson) et d’Yvon Cheseaux (Saillon). En Valais, les vins blancs 2007 sont supérieurs aux rouges. Le johannisberg de Daniel Magliocco (St-Pierre-de-Clages) et le païen, davantage savagnin rose que blanc, des Fils Maye à Riddes en témoignent.
Les rouges sont fruités, plaisants dès maintenant, comme la splendide humagne de Michel Boven (Cave Ardévaz, Chamoson) ou le cornalin Combe d’Enfer d’Yvon Roduit (Cave Rodeline, Fully). Mais le «rouge du pays» 2007 n’atteindra pas la densité des 2006, tels ceux de Frédéric Zufferey, à Chippis, Charles-André Lamon (Clos de Montzuettes), à Flanthey ou Philippe Constantin (Cave St-Philippe) à Salquenen, tous très bien notés. Il faut le rappeler : les dégustations sont à cheval sur deux millésimes, le dernier pour les blancs, et l’avant-dernier, pour les rouges et les spécialités en barriques.
La révélation du cabernet franc
Ainsi, les dégustateurs ont pu apprécier des assemblages rouges 2006. Les élèves de l’Ecole hôtelière de Vieux-Bois, à Genève, ont eu fin nez de récompenser de leur prix le «Pont des Soupirs» 2006 du Domaine du Paradis (Roger Burgdorfer et Didier Cornut) à Satigny (GE), archétype d’un assemblage de cabernets, franc et sauvignon, de gamaret et de merlot. On a aussi goûté un excellent «Trilogy» (cabernet franc, gamaret, syrah), des Grognuz père et fils, partagés entre les Evouettes (VS) et Villeneuve (VD). Mais, à l’exception de la dôle, les assemblages ne sont pas admis à la sélection valaisanne, réservées aux cépages autochtones… Le cabernet franc, cépage de la Loire (et du Château Cheval-Blanc !) constitue la base d’un beau vin vaudois, le «Cabernet-Garanoir» 2006, d’UVAVINS à Tolochenaz, primé.
Assemblages et chasselas tout de même…
Et c’est un autre assemblage rouge, qui plus est de 2007, qui a obtenu le plus haut pointage de tous les vins, à Lausanne: la cuvée gamaret-diolinoir (60% de gamaret de vignes de 8 ans et 40% de diolinoir en treilles de 18 ans), de la Commune de Pully, où le jeune caviste Basile Aymon dit n'avoir jamais vu d'aussi belle vendange. Ce vin, tiré à 4'000 exemplaires, ne sera mis sur le marché qu'en automne prochain… Et il mérite une garde de quatre à cinq ans. Derrière le Servagnin 2005 des Cruchon d'Echichens (hélas épuisé!), deux chasselas obtiennent un peu plus de 95 points sur 100, un très moderne Clos des Verchères, à Duiller (près de Nyon), vinifié par Schenk SA, et un Chardonne La Chapelle, typé terroir, de l'Association viticole de Corseaux.
A Neuchâtel, les assemblages étaient jusqu'ici condamnés à ne figurer que comme «vins de pays des coteaux neuchâtelois» et, pour une première, le «Noirs Coteaux» 2006, vinifié par l’œnologue Janine Schaer, à la Cave des Coteaux, à Boudry, est une réussite d’une belle élégance. Le vin conserve son mystère: gamaret, garanoir et un troisième larron, qui pourrait bien être de la syrah… Le Conseil d'Etat neuchâtelois vient d'élargir l'AOC au gamaret, garanoir, viognier, charmont, sauvignon, doral et pinot blanc. Car, avec l'alignement de la Suisse sur les normes européennes, un «vin de pays» ne peut plus être un vin de première catégorie et ses quotas de production échappent aux compétences cantonales (réservées aux AOC).
Un liquoreux champion genevois
En blanc, on notera encore les très expressifs viogniers 2007 du Domaine des Abeilles d’Or, à Chouly (GE) et de E. de Montmollin fils à Auvernier (par ailleurs lauréat de la «Gerle d’or» avec son chasselas d’Auvernier 2007). Sans oublier les liquoreux: le vin genevois le mieux noté de la sélection est un gewurztraminer passerillé 2006, du domaine de l’Etat, à Lully, signé du régisseur Maurice Dupraz, qui prend sa retraite, laissant la place à Thierry Anet (ex-œnologue des Vallières à Satigny).
Dans le même registre (de la douceur…), belles réussites, en Valais, avec une extravaguante petite arvine «Les Serpentines» 2006 de Gérald Besse, à Martigny-Combe et l’opulent ermitage «Gemma Smargarad» 2006 de la cave Nouveau Salquenen, à Salgesch, et chez les Vaudois, «L’Elixir» 2006, passerillé signé Fabio Penta, pour Hammel, à Rolle, et la «Quintessence» 2006, au Domaine de Chambleau, dernière cave neuchâteloise construite, où Louis-Philippe Burgat obtient aussi une Sélection d’or pour un chardonnay 2006, élevé en barriques. Sans oublier le Vully fribourgeois, où deux classiques, le Freiburger de Jean-Daniel Chervet, à Praz, et le pinot gris de l’Hôpital de Morat, à Môtier, confirment la réussite des 2007 en vins blancs expressifs.
Eclairage
Un Grand Prix trop… valaisan?
Le Grand Prix du Vin Suisse, qui s'est déroulé du 24 au 27 juin à Sierre, se superpose à ces joutes régionales. Les producteurs étaient invités à y envoyer leurs vins sans quota régional ni présélection : 1860 vins de 460 producteurs sont parvenus aux organisateurs, VINEA et le magazine Vinum. Vins valaisans (822) et vaudois (432) représentent les deux tiers du lot. Mais les Genevois et les Vaudois déplorent que pour les vins blancs «secs» (747 vins), on autorise jusqu'à 7 grammes de sucre résiduel par litre, alors que la norme légale est de 4 grammes et craignent une distorsion en faveur des vins valaisans. Sur place, des dégustateurs ont aussi regretté qu'à côté des catégories réservées au chasselas, au riesling X sylvaner, au pinot et au merlot, les autres cépages blancs et rouges soient dégustés sans connaître le cépage et sans regroupement de vins proches. Avec, à la clé, un discours flou sur la typicité de tel ou tel vin…
On rappellera que l’an passé déjà, des Genevois avaient demandé que cette dégustation ne se déroule pas en Valais, mais en «terrain neutre» ailleurs en Suisse, voire de manière itinérante (chaque année dans une autre ville). Techniquement, ce devrait être possible, puisque VINEA met son informatique à disposition du concours d’Expovina, à Zurich, fin juillet, et pour le nouveau concours Mondial du Merlot, en novembre à Lugano.
Et c’est à Zurich, et non pas à Berne, qu’aura lieu la proclamation du palmarès, le 7 novembre 2008, pour les 66 nominés, avec un titre de «vigneron suisse de l’année» à la clé (ce fut Diego Mathier, Nouveau Salquenen, en 2007), pour autant qu'un vigneron ait placé plusieurs vins parmi les 66 finalistes.
Version actualisée de l'article paru dans Hôtel Revue, le 26 juin 2008.