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Posted on 2 décembre 2008 in Vins italiens

Un quizz toscan en dix questions-réponses

Un quizz toscan en dix questions-réponses

La Toscane en dix affirmations
Un quizz toscan

Prêcher le faux pour savoir le vrai… En dix affirmations à confirmer ou infirmer, voici le tour de la Toscane, effectué en novembre 2008, sur les pas de la Sélection des vins de Toscane, concours régional qui se tient chaque automne à Sienne, organisé par la Région Toscane. Une excursion à la quelle étaient invités des journalistes internationaux, membres de la FIJEV (Fédération internationale des journalistes et écrivains du vin).

Il n’y a que le Chianti Classico au sommet des vins toscans.
FAUX
D’abord, il y a le Brunello di Montalcino et le Vino Nobile di Montepulciano, deux crus également DOCG («dénomination d’origine contrôlée et garantie») localisés, le premier au cœur de l’ancien duché, plein sud, l’autre à l’est, non loin de Cortone, nouvelle patrie de la syrah. Ensuite, il y a le Chianti tout court (DOCG) et son cœur, le Chianti Classico (DOCG évidemment), mais aussi sept «satellites» (tous DOCG), comme le Chianti des Colli, Senesi, Fiorentini, Aretini, Pisane, les Montalbano, Montespertoli et Ruffina. Cette dernière région, au nord-est de Florence, étagée de 300 à 700 m. d’altitude, donne des vins parfaitement aptes à un long vieillissement (dix ans au moins), grâce à l’acidité du Sangiovese. Un Ruffina Riserva 2005 de la Fattoria di Basciano (95% Sangiovese, 5% Colorino), comme Il Pozzo 2005, de Bellini, puissant et équilibré, représentait bien ce type, et davantage encore un Ruffina Riserva 2004, des caves Bellini aussi (90% Sangiovese, 5% Colorino et 5% Canaiolo), à la note légèrement oxydative au nez et à la finale sur l’amande amère. Le vin le moins cher de la dégustation : 4 euros, départ cave…

Il n’y a que des vins modernes en Toscane
FAUX
La Toscane paraît écartelée entre les appellations traditionnelles et les supertoscans surgis, il y a trente ans, de nulle part. Mais ces extrêmes finissent par se rejoindre : dans les DOC(G), l’utilisation de cépages complémentaires comme le merlot, le cabernet (franc ou sauvignon), la syrah, est admise et «civilise» des vins réputés rustiques. Effet inverse dans les IGT : certains producteurs (lire ci-dessous) reviennent au Sangiovese, en appui des mêmes cépages internationaux, souvent plantés depuis longtemps en Toscane (par exemple le cabernet sauvignon à Carmignano), ou en «purezza», une audace que même le Chianti Classico, jusqu’à récemment, s’interdisait.

Le Sangiovese incarne la Toscane
VRAI
Qu’il se nomme «grosso» à Montalcino ou «prugnolo gentile» à Montepulciano, le Sangiovese  reste le roi du vignoble toscan. Il a besoin des étés chauds pour mûrir, mais surtout d’une longue période de maturation (jusqu’à fin septembre-début octobre), dans les collines ou les coteaux, entre 200 et 700 m. d’altitude. Son nom apparaît dans les textes vers 1500 déjà. Aujourd’hui, il est le cépage rouge le plus cultivé d’Italie, avec près de 90'000 ha plantés, dont près de la moitié en Toscane, mais aussi en Romagne, en Ombrie, dans les Marches et jusque dans les Pouilles et en Sicile. Les clones peuvent être très différents d’une région à l’autre, souvent très productifs. Jeune, le Sangiovese est légérement fruité (cerise), d’une bonne acidité, mais de peu de couleur. L’élevage sous bois l’arrondit et l’épice. Et grâce à son astringence, le Sangiovese est non seulement capable de durer dans le temps, mais de s’améliorer, signe des grands cépages qui font les grands vins.

Pas de salut sans merlot
FAUX
Les «marchands du temple» Brunello l’ont fait croire : pas de salut pour le Sangiovese sans merlot, peu ou prou, notamment les années où le cépage toscan ne donne pas son optimum. Mais il y a d’autres solutions, comme le Canaiolo et le Colorino, admis dans le Chianti Classico, la malvoisie noire ou l’alicante (soit l’alicante-bouschet, hybride croisement de petit-bouschet et de grenache, datant des années 1880), propre à la Maremma. Et désormais le Foglia tonda, «feuille ronde», sélectionné au domaine Mannucci Droandi, qui en produit un pur jus, IGT Toscane, à la fois fruité et astringent, rustique, marqué par l’amande amère. Le producteur, Roberto Giulio Droandi, a planté en 1994 une cinquantaine de vieilles variétés. Selon une recherche ADN, le Foglia tonda serait un parent du Sangiovese. Mais il est difficile à cultiver, car il a tendance à produire trop.

Les vedettes préfèrent Cortone
VRAI
Le chanteur Sting et la légende du ballon rond Paolo Rossi ont acheté un bout de vigne sur les hauteurs de Cortone. Comme Saverio Luzzi, un neurologue d’Arezzo, logé dans une magnifique villa Renaissance, qui domine la plaine. Il s’amuse bien, le toubib, sur son hectare et demi autour de la Villa La Ripa. Et, pas mesquin, il vend ses 7'000 bouteilles à 10 euros pièce. Que ce soit le Tiratari, bien typé Sangiovese en 2006 (bonne acidité, joli minéral, finale sur l’amande amère), son ineffable Psycho, «blend» de Sangiovese et de cabernet sauvignon, moitié-moitié, en attendant le Neuro, à base de merlot. Le père du Tiratari est intarissable sur l’élevage en barriques françaises, mais il dit aussi, comme souvent en Italie : «Le Sangiovese ne se révèle qu’en mangeant», devant une somptueuse «porchetta» et une admirable «parmigiana» d’aubergines.

L’important, c’est l’œnologue-conseil
VRAI
Chercher non pas la femme, mais le docteur, pas forcément neurologue, mais oenologue! Derrière le Dròmos du dernier des Bolla (lire ci-dessous), le Brunello des Prime Donne ou la syrah de Cortone, au nez de prune, peu expressive, peu ou pas épicés, douce à l’attaque, fruitée et diablement boisée, en 2006, encavée à Lodola Nuova, la cave ultra-moderne (et donc enterrée), de Ruffino, il n’y a qu’un seul homme, Carlo Ferrini. Même si les vins sont différents…

Le Brunellogate a terni l’image du vin
VRAI
Le débat sur le scandale du Brunello di Montalcino, révélé ce printemps 2008, s’est terminé par la réaffirmation de la primauté du Sangiovese. Quant aux vins «enrichis» au merlot et autres cépages exotiques plus ou moins avouables, une partie des 2003 de grands domaines (Banfi en tête) ont été remis sur le marché, après séquestration. Mais la trace laissée conforte ce cliché qui veut que chaque Italien soit un tricheur.
In petto, certains producteurs admettent que si le Brunello revendique d’être le meilleur vin d’Italie, il doit respecter des règles très strictes et obliger les producteurs à soigner leur pur Sangiovese. Et puis, déplorent ceux qui ont respecté le «disciplinaire», les tricheurs n’ont pas été fair-play envers les «légalistes». Dans le doute, autant faire l’impasse sur les 2003 et attendre les 2004, sur le marché dès janvier 2009. Une chose est sûre : en 2003, les styles des vins sont étonnamment hétérogènes — même parmi ceux qui ont obtenu plus de 82 points sur 100 à la Sélection des vins de Toscane (palmarès publié à l’occasion du prochain Vinitaly à Vérone)

Les femmes prennent le relais
VRAI
Vu dans une cave de la Maremma, Coliberto: un diplôme d’un concours de Santa Rosa, en Californie : «Certified women love it !». Une jeune femme de Lucca a repris les rênes du domaine familial, près de Massa Maritima, après le décès accidentel de sa mère. A Montalcino, Donatella Cinelli Colombini, descendante de la famille de la Fattoria dei Barbi, domaine historique du Brunello, gère sa cave qu’avec des femmes. Mais son dernier vin s’appelle «Il Drago et le Sete Colombe» : les sept colombines, ce sont les femmes à l’œuvre et le «dragon», l’incontournable Carlo Ferrini, œnologue conseil derrière de nombreuses réussites italiennes (à l’égal d’un Riccardo Cotarella ou d’un Giacomo Tacchis). Cette année, sur le Sangiovese, les levures indigènes devraient faire leur effet, sans adjonction extérieure… Le Brunello Prime Donne 2004 (compter 30 euros départ cave), sélectionné parmi les tonneaux de diverses contenances par quatre femmes Master of Wine, est prometteur : élégant, équilibré, entre l’acidité, le boisé et la suavité, avec un boisé déjà agréablement fondu, au contraire du Riserva 2003, année moindre, il est vrai, qui finit sur des tanins secs.

Les «supertoscans» poussent comme des champignons
VRAI
Parmi les premiers toscans figurait le Saffredi, de Le Pupille, d’Elisabetta Gepetti, non loin de Grosseto. Un «supertoscan» fait de 70% de cabernet sauvignon, 20% de merlot et 10% d’alicante, élevé 18 mois en fûts de chêne français dont les trois quarts sont neufs. Le 2005, à 50 euros, exhale un nez de café, toasté, avec des épices douces (cannelle), équilibré, avec une note minérale de graphite et une belle persistance. Incontestablement un très beau vin. Pourtant, dans le magazine VINUM de mars 2007, c’est un autre vin de Le Pupille qui se distingue, le Poggio Valente (2003, 95% Sangiovese, 5% alicante), meilleur Morellino di Scansano.
Et si le Paleo Rosso 2003 sort en tête des Bolgheri DOC, le Dròmos 2004 s’impose dans les IGT. Une cave qu’il faut voir, plantée au sommet d’une colline, là où il y avait au mieux des champs de blé, face à la mer à 15 km, le Poggio Verrano : terre pauvre de schistes émiettés (le galestro), vent du large.
Héritier des pionniers de la Valpolicella, qui ont vendu l’entreprise familiale au groupe américain dépositaire du Jack Daniel’s (propriétaire des vins californiens Fetzer), Francesco Bolla, la moustache fringante du quadra à la crinière poivre et sel, s’est glissé dans la peau du dernier des Etrusques. Son défi? Elaborer un supertoscan mêlant les cabernets, sauvignon et franc, le merlot, l’alicante et le sangiovese. Le 2005, goudronné au nez, à l’attaque assez dure encore, tannique, puissant, a obtenu une médaille d’or au Concours mondial de Bruxelles 2008, fièrement exposée dans la cave enterrée, style catacombes matinées d’abri antiatomique. Et c’est, bien sûr, l’«amico» Carlo Ferrini qui signe cette cuvée un peu fourre-tout, bien élevé douze mois… Le Dròmos L’Altro, à dominante Sangiovese (à 90 % pour le 2005) va serrer de plus près l’expression toscane. Problème : sur 27 hectares de vignoble, il n’y a que deux hectares de Sangiovese…
Sur la côte entre Livourne et le mont Argentario, quelque huitante caves ultramodernes ont poussé ces dix dernières années, faisant passer le prix de l’hectare de moins de 10'000 à plus de 20'000 euros. De quoi payer les investissements en cuves inox tronconiques et un parc à barriques neuves, en cas de revente.

La liberté vaut mieux que la contrainte
VRAI
Au domaine Coliberto, près de Massa Maritima, dans mon verre gauche, le Laran 2004, un pur Sangiovese, au boisé fumé et fondu, rond, d’une belle allonge, à la finale épicée, avec une trace d’amertume. Dans mon verre de droite, le Thesan 2005, 90% Sangiovese, complété par 10% de cabernet franc, souple, bien fait, suave, épicé, avec une finale sur le graphite. Le premier vaut 10 euros ; le second, 21 euros. En regard du prix, le premier est OK ; le second, trop cher. Quelle solution? Les deux sont en DOC Monteregio, qui ne jouit d’aucune image en Toscane, où sont juxtaposées une trentaine de «dénominations d’origine contrôlée» et sept DOCG, Brunello di Montalcino, Vino Nobile de Montepulciano, Chianti, Chianti Classico (et ses sept satellites), Carmignano, Morellino di Scansano (le nouveau venu dès 2007), au sud, et, en blanc, la Vernaccia di San Gimignano. Résultat : si on veut échapper au nivellement du prix lié à la réputation moindre d’une DOC, mieux vaut élaborer un vin IGT, «indication géographique typique» et agrémenter son discours de blabla marketing. Il y a trente ans, c’est sous l’étiquette de «vin de table» qu’ont été lancés les premiers «supertoscans». Mais Sassicaia, le plus fameux, relève aujourd’hui de la DOC Bolgheri…
On notera, au passage, un très correct vin tiré à 60'000 bouteilles par Zonin, le Sassabruna, à Rocca di Montemassi (80% Sangiovese, 10% merlot, 10% syrah), souple, vanillé, légèrement toasté et suave, excellent rapport qualité-prix du côté de Massa Maritima.
Toscane-Lausanne, fin novembre-début décembre 2008, ©thomasvino.com