Pages Menu
Categories Menu

Posted on 28 mars 2009 in Vins suisses

Vaud — Nouveau règlement AOC en question

Vaud — Nouveau règlement AOC en question

Nouveau règlement vaudois
Le plus petit
dénominateur des AOC
Niveler par le bas les appellations d’origine contrôlée actuelles et éjecter par le haut la notion de grands crus : ainsi apparaît le règlement des AOC vaudoises soumis à consultation jusqu’à fin avril.
Par Pierre Thomas

Bazarder les 28 appellations d’origine contrôlées vaudoises et les remplacer par les 6 régions traditionnelles du vignoble vaudois, seulement. Mais pourquoi personne n’y avait pensé? En présentant cette «simplification», contenue dans un règlement de soixante articles, le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud, la semaine passée, était très optimiste. Aux quatre coins du deuxième canton viticole de Suisse (3822 hectares), les réactions fusent sur ce nouveau règlement mis en consultation dans les milieux intéressés jusqu’à fin avril.
Le négoce avant le terroir

«Il aurait été irréaliste de passer d’un monde dominé par les négociants à une hiérarchie de terroirs», plaide Raymond Paccot, encaveur à Féchy. Ainsi la règle du 49 – 51, qui permet à Lavaux, au cœur de La Côte et, dans la «qualité litre», au Chablais de mettre sur le marché un assemblage de vins issus de communes voisines sous le nom de la principale, a été supprimée. Mais elle est remplacée par un coupage à hauteur de 40% de vin de toute l’appellation (régionale) pour des vins portant le nom d’un lieu de production suivi de l’AOC. Ainsi, il pourrait y avoir du «Féchy – La Côte AOC», coupé à 40% avec du vin de toute la région de La Côte, soit de la frontière genevoise aux confins de la ville de Lausanne. Déjà, certains envisagent de limiter le coupage à des communes voisines. Autre retour surprenant, le coupage à hauteur de 10% avec des vins suisses de même qualité — sous-entendu genevois et valaisan.
Des grands crus au rabais

Le mode de désignation de Grands Crus et de Premiers Grands Crus est également attaqué. Le seuil légal de richesse en sucre pour obtenir de tels vins est très bas : 70° Oechslé pour le Dézaley, réputé le roi du chasselas, soit moins de 10 degrés d’alcool naturel dans un vin qui en affiche 12 au moins. «C’est manifestement trop bas», souligne Louis-Philippe Bovard, le premier qui, il y a dix ans, a lancé l’idée de «grands crus» sur le modèle de l’Alsace. D’autres interprètent l’article 44 du règlement comme un octroi «automatique» du titre de Premier Grand Cru à tous les châteaux, domaines, clos et abbayes et s’y refusent. Pour eux, le Premier Grand Cru doit se mériter par des exigences qualitatives élevées, sous peine de disqualifier le sommet supposé de la pyramide qualitative.
Pas eurocompatible

Plus grave, selon une autre source proche du dossier, ce règlement a été conçu dans le plus pur «amateurisme». Pour preuve, la commune de Champagne a droit à un traitement de faveur ; c’est le seul vin qui ne peut pas être coupé selon la règle du 40 – 60. Et pour une raison simple : en procès avec l’Union européenne, Champagne espère obtenir une dérogation, mais en respectant le droit européen sur le coupage en AOC, ce que ne fait donc pas le nouveau règlement. Réaliste, le négociant et propriétaire Charles Rolaz (Hammel) conclut que le règlement, compte tenu des intérêts divergents, est «le plus petit dénominateur commun possible». Mais d’autres estiment que la mascarade des AOC, dénoncées il y a onze ans par une douzaine de vignerons suisses continue de plus belle!
Paru dans Hôtel Revue du 4 avril 2009