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Posted on 3 avril 2009 in Vins européens

La Grèce parie sur ses cépages autochtones

La Grèce parie sur ses cépages autochtones

La Grèce parie sur
ses
cépages autochtones
Début mars 2009, la deuxième ville de Grèce, Thessalonique, a organisé la neuvième édition de son Concours international du vin. L’occasion de découvrir le kaléidoscope d’un pays à longue tradition œnologique mais émergent.
Pierre Thomas
de retour de Thessalonique
«Le palmarès représente bien toutes les tendances du vin grec», constate Nico Manessis, à la lecture de la liste des 54 médailles d’or, pour plus de 800 vins dégustés et notés par un jury international. Originaire de Corfou, élevé en Angleterre et résidant à Genève, Manessis est un des meilleurs connaisseurs des vins grecs : après avoir publié des guides, il prépare un album richement illustré.
Si l’histoire du vin en Grèce, pan entier de sa mythologie, est plus que millénaire, le renouveau est récent. Trente ans, pas plus, pour se défaire de la réputation des vins médiocres servis à la pompe dans les tavernes, ou de la «retsina», un vin blanc «corrigé» à la résine de pin, pour masquer ses défauts.
Une retsina à pleurer

Même la retsina revient au premier plan : une seule, «Les larmes du pin» (en français sur l’étiquette), de la famille Kechris, un vin millésimé, passé en barrique, a décroché l’or à Thessalonique. C’est un exemple de la réappropriation par les œnologues grecs, presque tous formés en France, de leur patrimoine. Il y a un quart de siècle, ils ont utilisé les cépages internationaux (sauvignon blanc, chardonnay, viognier, en blanc, cabernet sauvignon, merlot, syrah, en rouge) comme cheval de Troie. Aujourd’hui, les cépages autochtones reviennent au premier plan. En blanc, la richesse de la Grèce s’exprime avec le Savatiano, base de la retsina, et le Roditis, tous deux discrets, le Vilana de Crète et l’Athini de Rhodes, plus floraux, aux arômes de fruits exotiques, le Moschofilero, tiré d’un raisin rose aromatique, et surtout le Malagousia, qui rappelle le viognier, et le puissant Assyrtiko, proche du savagnin blanc, voire du riesling, à la fois riche et d’une belle acidité. Une panoplie complétée par d’exubérants muscats d’Alexandrie, en sec ou liquoreux.
Des mariages en tout genre

Le savoir-faire des œnologues allié à la technologie moderne se superpose à la redécouverte de ces variétés locales. Ainsi, à quelques kilomètres de l’aéroport de Thessalonique, à Epanomi, Vangelis Gerovassiliou, cultive 53 hectares d’un seul tenant, balayés par les vents de la mer. Il décroche régulièrement des médailles d’or (cette année pour son sauvignon), mais est aussi un pionnier des assemblages entre les variétés grecques et internationales, et entre les variétés locales, en blanc («mariage» réussi d’Assyrtiko et de Malagousia) comme en rouge (Limnio, Mavroudi et Mavrotragano dans la prestigieuse cuvée Avaton). Par dérision, Avaton signifie «terre inconnue» : la Grèce est encore à la recherche de ses terroirs, confirme Nico Manessis. Les nouveaux domaines poussent un peu partout, souvent en altitude, pour bénéficier de nuits fraîches, alternant avec des journées torrides.
Du bizarre pour les curieux

Jeune émoulu de Bordeaux, Gerovassiliou avait fait ses armes au Château Carras, un domaine de 475 hectares, sur la côte de Meliton, en Chalchidique, l’un des trois «doigts» de terre et de rocs qui s’enfoncent dans la mer Egée. Pour appuyer l’œnologue français des débuts — dus en 1967 à un armateur grec qui y a laissé sa flotte et sa fortune — le domaine vient d’engager Dyonisia Samara, également diplômée de Bordeaux. Pour elle, c’est sûr, l’avenir des vins grecs réside dans «des cépages bizarres et originaux qui attirent la curiosité». Et, comme elle a travaillé à Nemea, elle prend le parti, entre les deux variétés rouges les plus en vue, de l’Agiorghitiko (saint-georges), plutôt que du Xinomavro, de Naoussa. La jeune femme au prénom prédestiné (féminin de Dyonisos, le Bacchus grec), choisit la finesse d’un bourgogne ou d’un barolo plutôt que la puissance d’un bordeaux ou d’un chianti. Autres cépages, autres terroirs, mais même logique au pays d’Aristote.
Palmarès complet du 9ème Concours
de Thessalonique à
télécharger sur ce site.

La Grèce en chiffres
130'000 ha de vignes, dont 80'000 ha pour des raisins de cuve (le reste en raisins de table et secs). Vignoble très morcelé sur le continent (20% au nord) et dispersé sur les îles (Santorin, Samos, Rhodes, Crète) et 530 domaines et caves coopératives. Quelque 300 cépages autochtones, dont une cinquantaine plantés ou replantés. Système d’appellations d’origine (30% du vignoble). 20% d’exportation. Consommation locale (et tourisme) : deux tiers de vins blancs et rosés, un tiers de rouges. La Grèce produit, bon an, mal, 350 millions de litres, soit moins que le Portugal et plus que l’Autriche, les trois «outsiders» les plus intéressants de l’Union Européenne. (pts)

Sur le marché suisse

Quatre vins grecs en or

Les vins grecs sont facilement accessibles en Suisse romande : Smyrliadis à Oron-la-Ville (www.smyrliadis.com) et Paccor à Marly (www.pacor.ch) en importent. Le premier tient boutique sur place, le second sera présent à Arvinis à Morges, du 22 au 27 avril. Ils ont dans leur assortiment quatre vins médaillés d’or au dernier Concours de Thessalonique : en blanc l’Assyrtiko 2008 du Domaine Sigalas, à Santorin, typé à la fois du cépage et du terroir volcanique de l’île (22 fr. chez Pacor) ; en liquoreux, un classique, le muscat Grand Cru 2007 de la coopérative de Samos, riche et onctueux (18,65 fr. chez Smyrliadis), et deux assemblages, le Mega Oenos 2004 du Domaine Skouras, dans le Péloponèse, un cabernet sauvignon et saint-georges de vieux plants de 60 ans (26,80 fr. chez Smyrliadis), et un merlot (60%) et xinomavro (40%) de Kir Yanni Estate 2004 (23 fr. chez Pacor), deux rouges modernes à l’élevage en barriques marqué. Quant à l’assemblage blanc du Domaine Gerovassiliou, il se déguste au restaurant Le Lyrique, à Lausanne, dont l’offre en vins grecs décoiffe (ou désoiffe!). (pts)

V.O. de l'article paru dans
24 Heures du 4 avril 2009.