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Posted on 26 juillet 2010 in Vins suisses

Valais — Le renouveau de Gilliard passe par l’œnologue

Valais — Le renouveau de Gilliard passe par l’œnologue

Du nouveau chez Robert Gilliard SA

La patte du nouvel œnologue

Depuis 2008, la maison Robert Gilliard SA, à Sion, bénéficie des conseils d’un nouvel œnologue, le Zurichois Hansueli Pfenninger, 42 ans. Ce professeur à l’Ecole de Changins signe sa première gamme, Les Tonneliers, qui refléte sa philosophie.
Par Pierre Thomas
«Je suis vraiment content des médailles obtenues aux Vinalies de Paris, en février : deux d’or, avec la Roussanne et l’Humagne rouge, et trois d’argent avec la Petite Arvine, la Syrah et le Diolinoir. C’était la première fois que nous présentions ces vins et la reconnaissance de la profession me va droit au cœur», se réjouit Hansueli Pfenninger.
Qu’un œnologue-conseil supervise les vins de Gilliard, 42 hectares travaillés, dont 21 en propriété, et l’équivalent de 80 ha achetés en vendanges, n’est pas nouveau. Le Bordelais Patrick Leon (qui fut l’œnologue de Mouton-Rothschild durant vingt ans) a tenu ce rôle durant plusieurs années, mais à distance. C’est lui qui mit au point deux assemblages, un blanc, Ariétis (Amigne, Petite Arvine, Johannisberg), et un rouge, Antarès (Pinot noir, Syrah, Diolinoir). La nouvelle ligne, plutôt haut de gamme, empiète sur ces vins. Mais, au lieu d’assemblage élevés en fûts de chêne, après fermentation en cuve, Les Tonneliers sont des vins de cépages purs, fermentés en barriques pour les blancs, et dès la malolactique pour les rouges, puis élevés un an dans le chêne. Un nouveau chais a été aménagé dans l’immeuble qui abrite Gilliard, à Sion, en attendant le déménagement de cuves métalliques, qui dégagera de la place supplémentaire.
Un dynamisme nouveau
Cet automne, la maison sédunoise, fondée par un Vaudois en 1885, fêtera ses 125 ans. Elle a traversé plusieurs phases, avant d’être reprise en 2006 par le négociant en vins schwytzois Jakob Schuler. Un nouveau conseil d’administration a été nommé, présidé par Christophe Darbellay, président du PDC suisse et conseiller national, où siège notamment Chantal Balet, libérale valaisanne influente. Signé à la même époque, le rapprochement avec le négociant vaudois Testuz, a tourné court : sous l’impulsion d’un nouveau directeur, depuis début 2008, Stéphane Maccaud, rompu à l’économie d’entreprise, Gilliard se redéploie avec son propre réseau de vente en Suisse, romande et alémanique. Les fers de lance du commerce sédunois restent la Dôle des Monts, dont le 125ème millésime sera fêté en 2011, et le fendant Les Murettes, deux vins présents dans la grande distribution (Coop, Manor), un secteur qui représente 40% du chiffre d’affaires de la maison. Particuliers, surtout en Valais, restauration et commerce spécialisé se partagent le reste.
Un style bien particulier
Réservés d’abord à la gastronomie et aux particuliers, vendus en caisse-bois, les flacons Les Tonneliers arborent une étiquette sobre, où seul le nom du cépage distingue les vins. En volume, ces vins ont été tirés entre 600 et 3000 bouteilles, vendues de 23 à 28 fr. La gamme peut évoluer : pas sûr que la Petite Arvine en barrique subsiste, et le Cabernet Franc, le seul vinifié à partir de raisins achetés, va disparaître, remplacé, pour le millésime 2009, par un Païen et un Cornalin.
A son arrivée, à la veille des vendanges 2008, Hansueli Pfenninger a immédiatement décidé de modifier l’encavage de certains raisins, qui ont fait l’objet de sélections parcellaires. L’œnologue, installé en Valais depuis 25 ans, a épousé une œnologue du pays, qui l’appuie. Pendant une dizaine d’années, il a élaboré les vins de Gregor Kuonen – Caveau de Salquenen. Cette cave a connu un large développement, en quantité comme en qualité. Fils d’une personnalité connue du monde du vin à Zurich et en Suisse alémanique, (réd: décédée au printemps 2010), Hansueli Pfenninger est allé enseigner à Wädenswil, au début des années 2000. Dès 2008, il a repris son enseignement, à Changins. Il y est le seul professeur d’origine alémanique à la Haute école spécialiée (HES) d’œnologie, alors que la formation a été centralisée pour toute la Suisse. Cette charge l’occupe à 70%, les 30% restants étant consacrés à Gilliard. En 2009, la maison sédunoise a encavé près de 1’000 tonnes de raisin (800’000 litres de vin). Pour lui, Gilliard a «un potentiel énorme : les vignes des propres domaines de la maison sont magnifiquement situées et les marques sont connues. Il y a une réelle volonté de hausser le niveau de qualité des vins. En un an, on y a plus investi qu’en 15 ans.»
Le bois comme signature
Directeur du marketing, Marek Moos souligne que Gilliard, propriété de Schuler, est restée une société indépendante et doit exister par ses propres moyens. Quitte à devenir, par le style de ses vins, «la cave sédunoise la plus salquenarde», comme l’a glissé ironiquement François Kuonen à son ex-œnologue… Construits sur un travail précis sur le bois, avec des barriques de plusieurs tonneliers, élevés sur lies, en blanc comme en rouge, les vins de cette nouvelle gamme sont promis à un avenir de 5 à 10 ans. Mais, à la dégustation, ce qui frappe, c’est la structure tannique souple et agréable : ces vins peuvent être bus d’emblée avec plaisir. Ainsi la voulu l’œnologue… et le consommateur appréciera.

Dégustation «Les Tonneliers»

Roussane 2008
Au nez, exubérant, floral (glycine), vanillé ; en bouche, rond, gras, long ; frais et très agréable, malgré les 14% d’alcool et un léger sucre résiduel (4 g.). Un magnifique vin blanc, où le bois s’harmonise fort bien à la matière première. 91/100
Petite Arvine 2008
Nez masqué ; attaque sur le pamplemousse, avec un boisé qui couvre les arômes ; finale un peu sèche et amère, sur l’écorce de citron vert ; le cépage perd de sa force… 82/100
Pinot noir 2008
Nez légérement toasté, note de caramel, mais présence de fruits rouges ; attaque souple ; boisé fin ; légère amertume finale et notes d’épices. 86/100
Humagne rouge 2008
Robe brillante ; nez de fruits noirs, légère note végétale ; attaque souple, enrobée ; belle matière en bouche ; bonne fraîcheur, grâce à l’acidité ; boisé bien intégré et finale sur des notes végétales, propres au cépage. 88/100
Merlot 2008
Nez toasté ; note de poivron rouge grillé ; attaque grasse ; tanins fins ; manque un peu de volume, mais bâti pour la consommation immédiate. 86/100
Syrah 2008
Nez toasté, épicé, poivré ; attaque souple ; belle richesse, de la rondeur, de la puissance ; touche exotique et finale poivrée, épicée, avec des tanins fins, mais bien présents. 87/100
Cabernet franc 2008
Nez de réglisse, de fumée froide ; structure moyenne, pointe de verdeur ; type variétal ; boisé qui ajoute du volume ; bien fait, mais manque de personnalité. 85/100
Diolinoir 2008
Nez discret ; attaque sur les fruits noirs ; souple, épicé ; structure équilibrée; note de noix de coco en finale, qui trahit l’utilisation partielle de chêne américain ; un vin charmeur. 87/100
©thomasvino.com — mai 2010