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Posted on 17 décembre 2010 in Tendance

Des bouquins sous le sapin (2010)

Des bouquins sous le sapin (2010)

Vin et cuisine
Beaux livres sous le sapin

Qu’acheter à Noël, qui puisse durer ? Le livre reste un fondamental du cadeau. utile En voici quelques uns, sélectionnés pour vous sur les thèmes du vin, tonneau des Danaïdes éditorial, et de la cuisine, débitée en tranches… de vie.

Le vin encyclopédique

On signalera pour mémoire un gros livre (500 pages), clé de voûte d’un exercice jamais fait encore en Suisse : l’«Histoire de la Vigne et du Vin en Valais». Mieux qu’un docte livre historique, c’est une véritable encyclopédie. Elle renseigne non seulement sur les vins du Vieux-Pays, devenu depuis le milieu du XXème siècle le principal canton viticole (5’200 hectares, un tiers du vignoble suisse), mais aussi sur les évolutions du vin en Suisse. La révélation que la vigne, venue d’Italie, remonte en Valais à 800 ans avant les Romains, a pu surprendre… Durant six ans, trente chercheurs ont fouillé le passé et le présent. Et, selon une technique — le test ADN — jugée futuriste il y a vingt ans encore, le généticien (valaisan !) José Vouillamoz éclaire d’un jour nouveau la plupart des cinquante cépages cultivés sur les coteaux du Rhône. A déguster à petites doses et sans modération : le découpage du livre s’y prête parfaitement.
«Histoire de la Vigne et du Vin en Valais», Musée valaisan de la Vigne et du Vin et Infolio, 85 fr. www.museevalaisanduvin.ch

En plus modeste, mais toujours en Suisse, une petite bible des cépages cultivés en Suisse. Bien sûr, des livres sur les cépages, il en existe, en français, en anglais… Mais à chaque fois, la réalité helvétique est occultée. Deux spécialistes suisses, Philippe Dupraz (Ecole d’ingénieurs de Changins) et Jean-Laurent Spring (station de recherches Agroscope Changins-Wädenswil) ont mis leurs connaissances en commun pour décrire 57 variétés de raisin présentes en Suisse. Plusieurs cépages, comme le Doral, le Garanoir, la Gamaret, le Mara, le Carminoir et le Diolinoir sont le fruit des expérimentations de Changins. L’ouvrage remplace un jeu de fiches, peu pratiques. Il est complété par un glossaire qui explique, par le texte et par l’image, les normes de description de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV).
Cépages, 130 p., format A4, 57 fr., en librairie ou à ACW Changins, cp 1006, 1260 Nyon

Et diablement utile si vous lisez, notamment sur Internet, des blogs sur le vin, un dictionnaire des termes du vin. Comment dit-on «cépage» en allemand, anglais, espagnol, français, italien et même suédois ? Un ouvrage pratique qui répond à la question. Pas d’explications détaillées, mais l’équivalence dans les six langues de quelque deux mille mots clés. L’éditeur suisse Lis Medien, de Stansstad, a eu l’excellente idée de publier cet ouvrage. Chaque mot est présenté dans un chapitre propre à chaque langue, dans l’ordre alphabétique, avec sa traduction dans les cinq autres langues. Le dictionnaire recouvre à la fois des mots techniques, de législation ou des expressions courantes. Utile autant au professionnel qu’à l’amateur et, surtout, au consommateur.
Dictionnaire du vin, 368 pages, 29,90 fr.,  en librairie ou sur www.listmedien.com

Et puis, jouxtant la Suisse romande, la Bourgogne bénéficie d’un autre ouvrage monumental, le «Dictionnaire universel du vin de Bourgogne», édité entre Thonon-les-Bains, Pontalier et Fleurier (www.pressesdubelvedere.com). Il est dû à Jean-François Bazin, presque septuagénaire (il est né en 1942), journaliste, romancier (il publie cette année chez Calmann-Lévy «Les raisins bleus», saga d’une famille viticole bourguignonne) et politicien (il fut président du Conseil régional de Bourgogne au milieu des années 1990). Un dictionnaire parce que les articles (courts) sont rangés par ordre alphabétique de A (comme abeille) à Z (comme zone viticole). Et bourguignon dans le sens où il évoque notamment des grandes figures de la région. Mais aussi universel parce qu’il peut servir de référence pour éclaire les mots du vin, valables partout. La bibliographie est exhaustive et toute la fin de l’ouvrage est consacrés à des images hors texte et des cartes, si nécessaire quand la classification (et la hiérarchie) correspond à un découpage géographique précis des «climats».
Les cartes reprennent celles de «Les vins de Bourgogne», de Sylvain Pitiot et Jean-Charles Servant, un titre irremplaçable pour connaître les AOC, 1er crus et grands crus, dont la quatorzième édition (depuis 1952) est parue en 2010 (360 pages). www.collection-pierrepoupon.com

Dans les ouvrages à contenu de quelques dizaines de pages (seulement), pour lecteurs rapides, mais à forte valeur (intellectuelle) ajoutée, on signalera deux publications épatantes. Aux éditions Autrement, l’Atlas mondial des vins, de Raphaël Schirmer et Hélène Velasco-Graciet, bourré d’infographies malines pour comprendre les enjeux du vin aujourd’hui, comme le dit le sous-titre : «La  fin d’un ordre consacré ?». 80 pages illustrées en couleurs. Synthétique et remarquable : indispensable ! (www.autrement.com).

En 40 pages A 4, le fondateur du CAVE (Club des amateurs des vins exquis), à Gland, Jacques Perrin brosse un parcours d’initiation à l’univers du goût et de la dégustation, sous-titre explicatif de «Le vin, une histoire d’amour». Un excellent vade-mecum vendu 15 fr. (www.cavesa.ch) où quelques vérités sont dites et bien dites. Le CAVE, fondé il y aura 25 ans le 30 avril 2011 a mis sur pied près de 650 cours à thèmes et accueilli près de 10’000 amateurs de vins exquis…

La cuisine feuilletée

Les éditions Favre à Lausanne sortent chaque année leur brassée d’albums sur des cuisiniers. Un signet large en mentionne sept rangées de tiercés, dont les bestsellers restent un Girardet, un Rochat, un Crisci, deux Rabaey et quelques autres moins fameux.
Cet hiver, la galerie s’enrichit d’un Etienne Krebs, d’un Ravet et d’un livre plus thématique sur la cusine vietnamienne. La recette est éprouvée : un portrait-souvenir par un auteur, journaliste généralement, des photos de plats, dont les recettes détaillées figurent dans l’ouvrage et, parfois, une préface enlevée par une plume parisienne. Les trois albums de 2010 n’échappent pas à la formule. Avec des nuances.
Etienne Krebs se confie au journaliste de 24 Heures David Moginier. Le patron de l’Ermitage, à Clarens, s’est mis sous le signe de la nostalgie, avec cet «Héritages». Et c’est le photographe de mode Dominique Derisbourg qui signe l’illustration. Rythme simple et efficace : une recette, une photo du plat, sans chichi inutile, mais joliment contrastée dans les couleurs. Cet élève de Frédy Girardet et de feu Hans Stucki (à Bâle) met l’accent sur «faire plaisir», un mot d’ordre conjugué avec son épouse Isabelle, rencontrée chez le chef valaisan feu Fritz Balestra, à Champéry. La préface est signée du Jurassien Georges Wenger (en 2011, il fêtera ses trente ans à la barre de l’ex-buffet de la gare du Noirmont !), un camarade de service militaire, resté un compagnon de route du Vaudois, dont la cuisine s’est agréablement modernisée sur des bases classiques.
«Héritages», Etienne Krebs, 192 pages, 89 CHF

Deuxième «pavé», «le» Ravet, ou plutôt «les» Ravet. Car ils sont cinq à se partager la page de titre. En gros, Bernard et son fils Guy, mais aussi Ruth, l’épouse de Bernard, et la mère de Nathalie et Isabelle. Un véritable clan dans la «thébaïade de Vufflens-le-Château», comme l’a décrit Claude Imbert, le fondateur et éditorialiste du magazine Le Point — qui s’est établi sur La Côte vaudoise. Pour ce préfacier, pas de doute, «la grande cuisine met de l’art dans le manger. Et de la civilisation dans sa nécessité» et, partant, comme elle exige autant de celui qui fait que de ceux qui la consomment, elle «est une culture». Les propos de Michel Logoz gravitent dans la même stratosphère dans son ode raveyzienne à la tribu de Vufflens et fourmille de formules, comme «une grande table n’est pas un lieu pour les acrobates du Magic Circus». Les Ravet, père et fils en cuisine, sont des tenants d’une cuisine allégée dans le sens de la diététique moderne, mais qui ne flirtent pas avec les mirages des techniques post-nouvelle cuisine. Tous sont fiers d’avoir rejoint, en 2009, les grands chefs des Relais & Châteaux, après vingt ans passés dans cet (autre) Ermitage.
Mieux, Michel Logoz, grand connaisseur des vins suisses, s’est attaché à proposer un vin (souvent helvétique) pour chaque plat décrit minutieusement, avec son indice de difficulté. L’harmonie mets-flacons, dont ceux de la collection Le Vin Vivant que Bernard Ravet, et Nathalie, sommelier, sélectionnent avec Philippe Corthay, puis Rodrigo Banto, œnologues d’Uvavins, est fort belle à regarder, sous l’objectif de Pierre-Michel Delessert. Mais qu’est-ce qui a pris Oscar Ribes, le metteur en scène (et en pages) ? Les fonds grisés, doublés d’une typographie exagérément fine, empêchent de lire la majorité des textes… Impardonnable, si l’on veut qu’un ouvrage si bellement écrit dépasse le syndrome du CTB (Coffee Table Book : le genre de livre qu’on laisse sur la table du salon sans jamais l’ouvrir…). Comme si le meilleur des plats était servi dans une assiette inappropriée, fût-elle un service de Limoges!
Ravet, 208 pages, 89 CHF

A qui est lassé de la cuisine moderne, française peu ou prou, l’art culinaire du Viêt Nam offrira une bouffée d’air frais bienvenu. Finalement, des trois livrés par les éditions Favre, il est le plus agréable à regarder. Pierre-Michel Delessert, fidèle ami de l’éditeur, a varié les angles et les fonds des photos. Pour la préface, Jean Lacouture se souvient de l’Indochine et de ses premiers «rouleaux de printemps». Le scénario de leur élaboration ouvre le livre de 90 recettes, dues à Madame Thanh Lan. Celle-ci avoue deux passions, la cuisine, comme fille d’hôtelière des environs d’Hanoï, et le golf., depuis son arrivée en Suisse, il y a quarante ans. Entre com (le riz), pho (potage), nuoc mam (sauce de poisson, «sauce nationale»), le journaliste Olivier Grivat se faufile sur des airs de Yin et de Yang. Sachez que le canard, le poisson, les crustacés, les courgettes ou le chou du Yin équilibrent le gingembre, le piment et le poivre du Yang.
Voilà qui donne envie de retrouver une table vietnamienne, comme celle de bons lausannois que sont Le Jasmin (près de la Pontaise), le Chalet Dalat (près de l’ancien funiculaire de Sauvabelin) ou l’Indochine (près de l’hôpital de l’enfance).
«L’art culinaire du Viêt Nam», Thanh Lan, 224 pages, 65 CHF

Mais qu’est-ce que la cuisine française? Elle a fait l’objet d’un petit livre éclairant d’Alain Drouard, publié par les éditions du très sérieux CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Titre sans amiguité : «Le mythe gastronomique français». Une bonne clé pour comprendre le phénomène, classé en novembre 2010 au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, dans la catégorie du «patrimoine culturel immatériel» — à quand la fondue fribourgeoise, la raclette valaisanne ou le papet vaudois ? Aux fourchettes, citoyens helvètes ! (CNRS éditions, 160 pages, 17 euros).

Et si vous préférez la cuisine italienne, précipitez-vous sur les «101 risotti des plus grands restaurants du monde», édité par le producteur Gallo et l’éditeur Giunti. Dans la huitième édition, bilingue français-allemand (370 pages), les recettes des chefs officiant en Suisse, Gian Luca Bos, au Concabella de Vacallo («risotto à la saucisse du pays et oignon rouge déguisé en jaune d’œuf»), Silvio Galizzi d’Il Portone, à Lugano («risotto aux orties avec filet de perche dans une couche de polenta blanche»), de Mauro Grandi, de la Villa Sassa, à Lugano («risotto aux crevettes bouquet, citron vert, menthe et gingembre»), de Martin Dalsass, du Santabbondio, à Sorengo («risotto aux poivrons farcis au poivre de Sichuan garni de crevettes rouges»), de Dario Ranza, de la Villa Principe Leopoldo («risotto à la ciboulette, thym et poitrine de pigeon»), de Laurent Omphalius, des Sources des Alpes, à Loèche-les-Bains («risotto avec filet de perche») et d’André Jaeger, du Fischerzunft, à Schaffhouse («risotto à la vanille avec homard en sauce de lime»), illustrent à merveille comment un plat simple peut évoluer vers la sophistication… Une jolie leçon venue d’Italie ! Toutes les recettes figurent en annexe en fin d’ouvrage. (www.risogallo.it).

Et, comme le disait un sociologue au Journal du Dimanche du 14 novembre, la gastronomie a encore de beaux jours devant elle : «Il y a une vraie tendance de fond en sa faveur. La préoccupation pour la santé et le bien-être ainsi que le goût pour le do it yourself sont désormais fortement ancrés en nous.» Les éditeurs de livres de cuisine ont de beaux jours devant eux…

Deux beaux livres, enfin, toujours chez le Lausannois Pierre-Marcel Favre. Le très agreste «Tavillons et bardeaux» d’Olivier Veuve et Pierre Grandjean et quelques autres, préfacé par le châtelain vaudois (Château de Vincy à Gilly) et néanmoins lord de sa Gracieuse Majesté anglaise Norman Foster et Pierre Landolt. Où comment la noblesse de l’architecture et de la finance redécouvre une manière ancestrale de construire de vrais chalets d’alpage. Voilà un livre qui parle au Gruérien et à l’arpenteur des pâturages qu’est resté le soussigné…
«Tavillons et bardeaux», 168 pages, 38 CHF.

Chez Favre encore, pour les trente ans du Festival Paléo, «La magie de l’éphémère» (208 pages, 44 CHF), qui ne fait évidemment pas allusion à la longévité de la manifestation, ni à l’accent mis sur le développement durable, mais à son renouvellement annuel. Paléo aura bientôt accueilli cinq millions de spectateurs. Et l’ouvrage, richement illustré de superbes photos, souvent insolites, fait suite à quelques autres parus ces dernières années.

C’était aussi un post-scriptum nostalgique du co-auteur de «La Suisse au bois dormant» (Georg, 1990) et de Paléo Festival Nyon – Colovray (Paléo, 1990). Il y a vingt ans, donc.
Pierre Thomas, 17.12.2010