Vaud — (R)évolution au Château de Mont (sur Rolle)
Famille Naef, Château de Mont (VD)
Un centenaire en pleine (r)évolution
Par Pierre Thomas
Ca n’est pas parce qu’on est centenaire qu’on peut se reposer sur ses lauriers! Le Château de Mont regarde vers l’avenir. Il fait partie des rares propriétés susceptibles d’accéder, dès l’an prochain, donc avec le millésime 2011, au sommet de la pyramide des appellations vaudoises. Ces premiers… 1er Grands Crus ne seront pas nombreux : sur une vingtaine de dossiers, seuls une dizaine ont été retenus. Le domaine montois est en lice pour une parcelle de 3’000 mètres carrés de chasselas. Il avait présenté des rouges, aussi. Mais s’il faut une antériorité de cinq millésimes sur dix ans. Et le domaine ne pouvait en présenter «que» cinq sur… cinq ans. Et pour cause !
Des Genevois de La Côte
Ici, pas grand’chose n’a bougé jusqu’au décès de François Naef, en 2005, un patriarche très attaché à la défunte Société Vinicole de Perroy. L’anecdote raconte que son père, Ernest, fondateur de la régie d’immeubles genevoise homonyme, en 1911, était allé chosir quelques meubles. L’antiquaire lui aurait dit : «J’ai même le château qui va avec…» Voilà donc ces Zurichois, au bout du lac depuis trois siècles alors, propriétaires d’une bâtisse tarabiscotée, construite à la fin du 15ème siècle et agrandie plusieurs fois. Barons de Mont, ducs de Savoie, Bernois (les de Steiger), puis Genevois : ses résidents forment un condensé de l’Histoire de La Côte vaudoise, terre de passage. Frédéric Naef, 52 ans, actif dans la finance à Lausanne et administrateur de la régie à Genève, vient de s’y inscrire en citoyen-contribuable. Une première! Avec ses deux sœurs, Marie et Odile et son compagnon Patrick Lance, ils s’occupent de la propriété. «On a ouvert le château, car il faut accompagner les gens de plus en plus curieux et intéressés par les vins. Ils viennent pour une bouteille de chasselas, mais repartent avec du rosé et du rouge», explique Patrick Lance, 63 ans, très impliqué dans l’accueil, sous bonne garde du chien Capsule.
Des vignerons à trois étages
Si les rôles familiaux paraissent compliqués, ça n’est guère plus simple pour les relations viticoles. Elles sont à trois niveaux. Les vignes sont travaillées par deux vignerons-tâcherons, Cédric Albiez, 45 ans, et Eric Meylan, 30 ans, des cousins (de g. à dr. photo ci-dessous). Cédric Albiez s’occupe principalement du chasselas. Mais, pour les travaux de cave, il s’en remet à la maison Schenk, son œnologue Thierry Ciampi, et un «tonnelier» à façon, la maison Dutoit. Eric Meylan, vient de prendre le relais de son père, Pierre-André, et travaille la parcelle du haut du village.
Si la vendange de l’assemblage rouge va aussi au négociant rollois, les autres vins sont signés Albiez-Meylan. Des locaux modernes permettent de vinifier à la Ferme, et les vins sont élevés (comme les Grandes Réserves en barriques) dans les murs du château. Les familles des deux cousins travaillent, en plus et par ailleurs, autant de surface et mettent sous verre leurs vins communs («Réserve du Colombier»). Chacun de son côté, Cédric Albiez, avec «Gam’note», et P.-A. et Eric Meylan, avec «La Grande Vigne», proposent leurs vins. Goûtez leurs marselan, malbec ou galotta, en monocépage, trois curiosités parmi les plus originales du vignoble vaudois !
D’argent et d’or
La diversification, au cœur de La Côte, n’est pas un vain mot : le domaine historique — on y cultive la vigne depuis le 15ème siècle — s’émancipe un tantinet de la tutelle d’un négociant en pratiquant la vente au château et les vignerons-tâcherons mettent en valeur leur travail de A à Z. Avec, parfois, une solide dose d’ironie. Quand il s’agit de choisir, juste après vinification, en février ou mars, la Réserve du Château, on se met autour d’une table et on déguste. On ne choisit pas le moins bon, n’est-ce pas ? En 2010, le chasselas Réserve du Domaine a été tiré de deux vases de bois. Le reste a été livré à Schenk (puis à la Coop). Résultat des courses : quelques mois plus tard, le premier a obtenu une médaille d’argent à la Sélection vaudoise. Et le second, une médaille d’or et un coup de cœur au Guide Hachette des vins 2012.
Quoi?
11 ha en deux grandes parcelles : l’une autour du Château, à Mont-sur-Rolle, à 480 m. d’altitude, dédiée au chasselas (4,5 ha, avec une petite parcelle de gamaret), l’autre sur les hauts du village, à 550 m. d’altitude où se concentrent, près de la Ferme du Château, les rouges (3 sur les 6,5 ha).
Comment?
18’000 bouteilles écoulées sur place et dans des restaurants. Le reste part chez Schenk, pour le compte de Coop (étiquette exclusive «Château de Mont-sur-Rolle» en toutes lettres). Le Château de Mont est membre fondateur de l’association Clos, Domaines et Châteaux (www.c-d-c.ch).
Combien?
Six vins : trois Réserves du domaine (chasselas, rosé de pinot noir, assemblage rouge gamaret, gamay, garanoir) et trois Grandes Réserves, gamay, pinot noir et gamaret, élevés un an en fûts de chêne. De 11 fr. à 21 fr.
Où?
Visite des caves du Château et dégustation sur rdv préalable au 079 308 33 45 ; www.chateaudemont.ch. Demain, samedi 24 septembre 2011 dès 15 h., possibilité de remplir soi-même, sur place, un «pot vaudois» de la cuvée du centenaire (millésime 2010).
3 coups de cœur
Chasselas Réserve du Domaine 2010, 11 fr.
Nez bien ouvert, floral, avec des notes caractéristiques de tilleul ; attaque sur un léger perlant (gaz carbonique), nuance lactique ; de la fraîcheur et de la souplesse, avec un soutien acide suffisant ; notes minérales en finale. Un bel exemple de chasselas de La Côte. (10’000 bout.)
Pinot Noir 2009 Grande Réserve, 17 fr.
Joli nez de fruits rouges ; attaque fruitée, on retrouve la framboise et la cerise ; de la fraîcheur, de l’élégance, sur une structure moyenne ; finale sapide, sur des tanins serrés et une acidité nerveuse. Médaille d’argent au dernier Mondial du Pinot Noir à Sierre. (1’500 bout.)
Gamaret 2009, Grande Réserve, 21 fr.
Belle robe soutenue ; nez d’épices douces, de cannelle ; attaque souple, sur une jolie structure ; rond, agréable, avec des tanins bien enrobés ; les arômes sont chaleureux, bien typé du gamaret élevé en monocépage. L’élevage, en barriques de chêne de Schaffhouse, sait rester discret. (1’500 bout.)