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Posted on 6 janvier 2012 in Vins suisses

Cave Beetschen: à Bursins, un pari sur l’avenir

Cave Beetschen: à Bursins, un pari sur l’avenir

Cave Beetschen, à Bursins

Un pari sur l’avenir

La «story» de la famille Beetschen et de leur cave est exemplaire du développement fulgurant de La Côte.
Par Pierre Thomas
Au bord de la route de l’Etraz, dans un lotissement d’immeubles modernes, l’enseigne «œnothèque» intrigue. La devanture cache une belle aventure. Car si Fredy Beetschen, 64 ans, cultivait, en parallèle de sa ferme, 3 hectares de vigne, son fils, Vincent, 37 ans, n’était pas certain de reprendre ce domaine, trop exigu pour faire vivre une famille. D’où son choix de suivre le Gymnase de Nyon avant l’école d’ingénieur de Changins, puis de travailler à l’organisation agricole Prométerre, tout en cultivant quelques ceps supplémentaires à Gilly.
Coup de pot à Coinsins
Tout aurait pu continuer ainsi, la mixité ferme-vigne se muant en bureau-vigne, sans «une opportunité formidable et pas planifiée», raconte Vincent Beetschen. Tout bascule en 2008, avec l’achat d’un domaine d’un seul tenant de 6 hectares à Coinsins, planté en cépages rouges au début des années 1990 par un viticulteur visionnaire. Coinsins, depuis toujours, est connu comme terroir à rouge, grâce à son orientation, le long de la Serine, sur une croupe de graviers. «Ces caractéristiques limitent l’apport en eau et assurent un gain de précocité sur les cépages tardifs», explique Vincent Beetschen.
Aujourd’hui, à rebours du vignoble vaudois, mais exactement dans la proportion de la consommation suisse, le domaine Beetschen comprend deux tiers de rouge pour un tiers de blanc. Les 8,4 ha en propriété, «nous assurent de travailler sur le long terme tout en ayant atteint la taille critique pour le faire seuls». Que la famille ait pu construire une cave moderne, en 2004 déjà, puis des immeubles locatifs, terminés en 2009, a permis de développer une structure commerciale. Avec son beau-frère, Louis Christinet, 34 ans, responsable de la commercialisation, la cave mise à fond sur l’œnotourisme. Oenothèque-bar à vins qui ne vend que les crus du domaine, mais aussi table d’hôte, avec un «chef à domicile», à l’étage, et même deux chambres d’hôtes. Dans la foulée, des cours de dégustation, des séminaires, etc., le tout «communiqué» par un site Internet, relié par un application App’Store et androïd et Facebook. Soit la mise en pratique de A à Z du concept développé par la sœur de Vincent, Séverine, qui vient de tourner la page de la «route du vignoble» de La Côte, son concept lancé il y a dix ans.
Des vins «pas comme les autres»
Une vraie «success story» de «boutique winery», comme disent les Américains de La Côte… ouest. Le vigneron-encaveur Vincent Beetschen est fier d’«assumer la bouteille» qu’il vend parfois cher. «C’est génial, il n’y a aucune rupture de responsabilité», dit cet adepte du «circuit court» du producteur au consommateur. Ces vins ont déjà obtenu une  reconnaissance. Son gamay «Fou du roi» 2009 fut le mieux noté de la Sélection des vins vaudois 2010 (93/100) et la seule grande médaille d’or vaudoise au premier Concours international du gamay à Lyon. Premier millésime dans sa gamme du dessus du panier «Cachoteries» (avec un seul T pour respecter l’orthographe renouvelée), le merlot barrique 2009 a décroché une médaille d’or au Merlot du Monde, à Lugano, en novembre dernier. Trait commun à ces deux vins: une certaine timidité du bouquet, ce que les œnologues nomment de la «réduction». «Mais complètement !», réagit l’œnologue, qui dit «détester» la micro-oxygénation, procédé à la mode: pour faire respirer le vin, il suffit de le carafer ou de l’aérer dans le verre.
«On adore faire pas comme les autres! Mais aussi des vins pour tous les goûts», assènent les deux beaux-frères. Chardonnay sans malo, avec un peu de sucre résiduel (bôf), chardonnay demi-sec, donc un peu doux, en barriques (pas mal du tout), passerillé à base de gamay (original)… Et surtout quelques splendides rouges : grâce à Coinsins, à la sélection parcellaire, aux petits rendements, à l’élevage dans des fûts plus larges et au boisé moins marqué, des demi-muids de 500 litres. Derrière la devanture aguicheuse, la matière première est solide. Bravo!

Quoi?
6 ha entre Bursins et Gilly et 6 ha d’un seul tenant, à Coinsins. Au total, deux tiers plantés en rouge (gamay, 20%), un tiers en blanc (chasselas, 25%).
Comment?
Un tiers est vendu en vrac (surtout du chasselas), le reste mis en bouteille (30 à 40’000 bouteilles)
Combien?
15 vins : 3 blancs (chasselas, 11 fr.), un rosé (gamay-diolinoir, finaliste du Grand Prix du Vin Suisse 2011), 4 rouges (dont un merlot «L’enchanteur», 20 fr.) et 5 vins secs de la gamme «Cachoteries» ; 2 vins doux (un chardonnay surmaturé sur souche et un gamay passerillé).
Où?
Oenothèque Beetschen, rte de l’Etraz 6, Bursins, www.cavebeetschen.ch

Trois coups de cœur

Le Redoux (2010), 30 fr. (37,5 cl)
Un vin (rouge) obtenu par passerillage des grappes de gamay suspendues au plafond de la cave durant deux mois. Nez de confiture de fraises ; attaque sur les fruits rouges compotés ; de la sucrosité, une pointe de tanins et une note acidulée de bonbon ; très original ! (1’000 bout.).

Merlot barrique Cachoteries 2009, 35 fr.
Premier millésime et médaille d’or au Mondial du Merlot 2011 à Lugano. Nez peu expressif; attaque en bouche puissante, serrée, concentrée; notes mentholées (30 mois en demi-muids); beau volume; un vin frais et apte à vieillir plusieurs années (1’000 bout.).

Cabernet sauvignon Cachoteries 2009, 40 fr.
Nez magnifique, d’une grande complexité et d’une belle élégance; attaque sur les fruits noirs, le gras; belle texture, de la souplesse et de la matière, adoucie par l’élevage en demi-muids; tanins fermes et enrobés; finale longue et persistante sur la réglisse. (1’000 bout.)

Paru dans 24 Heures, le vendredi 6 janvier 2012.