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Posted on 27 janvier 2012 in Vins européens

Portugal (Alentejo) — L’aventure de Malhadinha Nova

Portugal (Alentejo) — L’aventure de Malhadinha Nova

Malhadinha Nova, Alentejo (Portugal)

Une aventure pleine d’exotisme

Le Portugal, pays d’ancienne tradition viticole, est aussi celui du renouveau. Un producteur fait escale à Saint-Saphorin, jeudi 2 février 2012.
Par Pierre Thomas
On peut être sommelier à l’Auberge de l’Onde à Saint-Saphorin, et avoir les papilles émoustillées par des vins du monde. L’enthousiaste Jérôme Aké Béda, tombé directement de la Côte-d’Ivoire dans une cuve de chasselas, n’en oublie pas que les Vaudois ne sont pas si différents des (autres) Suisses. Et qu’ils boivent quelque 62% de vins étrangers pour 38% de vins suisses. Le hasard veut que nous avons rencontré celui qui viendra inaugurer la série 2012 des «soirées vigneronnes» mensuelles chez lui, «in situ».

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Parti de rien

Ce vigneron-entrepreneur quadragénaire, il faut aller le chercher… tout au fond du Portugal, dans l’Alentejo, à la limite de l’Algarve. Dans une des régions les plus sèches du monde: il n’y pleut pas de mai à octobre. En cette soirée d’arrière-automne, le paysage ressemble à celui d’«Out Africa». Au coucher du soleil, Joào Soarès explique, dans un français parfait, appris dans un lycée parisien, à deux pas de l’Opéra, qu’il est «parti de rien, il y a 12 ans».
La saga de la famille Soarès est un peu celle du Portugal moderne. Tout jeunes, ses parents, avec leurs deux fils en bas âge, quittent Fatima, au nord, pour l’exil, économique et politique, en France. Ils rentrent au Portugal en 1983 et s’installent à Albufeira. Ils jalonnent alors l’Algarve d’une douzaine de magasins spécialisés en vins: «De bonnes bouteilles vendues à 95% à des touristes anglais». En fils prodigue, Joao dit tout devoir à ses parents. Cet esprit de famille se perpétue: tout le monde se retrouve en Alentejo dès le vendredi soir, pour y passer le week-end. L’épouse de Joao, Rita, s’est consacrée à l’aménagement de dix chambres, dans une maison typique d’un étage, crépie de blanc et de bleu, datant de 1926, avec Spa et piscine de rêve: «C’est un hôtel, mais d’abord notre maison, faite à notre goût, à ma femme et à moi. Et c’est la même chose pour le vin: il doit nous plaire à nous!» Clin d’œil, leurs quatre enfants, trois filles et un garçon, dessinent les étiquettes, différentes chaque année: celle des trois vins commentés ci-contre sont signées Matilde, 10 ans.

Des vins personnalisés

Quand elle a acquis, en 1998, ces 400 ha de prairie grillée par le soleil, la famille Soarès a dû créer trois lacs, en fond de vallonnement, avant de planter 27 hectares de vignes et 7 ha d’oliviers. Les ceps sont irrigués au goutte-à-goutte, piloté par sonde électronique. La cave, doublée d’un restaurant, est ultramoderne, munie de «lagares» (grands fouloirs) en inox.
Avec son frère Paulo, Joao exploite le tout. Des neuf cépages rouges plantés, six subsistent: l’alicante bouschet, qui, nulle part ailleurs qu’en Alentejo donne des vins à la fois solide et élégants; le touriga nacional, le cépage portugais de l’avenir; l’aragonès, appelé ainsi, car c’est le tempranillo espagno ; le tinta miuda, soit le graciano qui donne du nerf au rioja; et les internationaux cabernet sauvignon et syrah. En blanc, à côté du chardonnay, élevé en barriques, et du viognier, les variétés locales, antào vaz, arinto, rupeiro et verdelho. L’énumération montre toute la richesse du patrimoine viticole portugais. Vins de cépage pur ou d’assemblage, la palette permet de jouer sur tous les tons. «J’essaie de faire mieux chaque jour depuis douze ans. C’est fantastique!», confie Joao. En cave, ses vins sont supervisés par un œnologue réputé de l’Alentejo, Luis Duarte, qui fut au départ de l’aventure du grand domaine Esporao et élabore, non loin, les cuvées d’Herdade dos Grous (72 hectares).
Et puis, il y a des chevaux, des moutons, des vaches et des cochons — Malhadinha signifie leur lieu de rencontre… Les omnivaores à demi-sauvages ne se nourrissent que de glands sur sol portugais et deviendront, la frontière espagnole passée, du jambon «pata negra». Plaisante métaphore: le meilleur s’exporte.

Quoi?
Un domaine de 400 ha, dont 27 ha de vignes et 7 ha d’oliviers. A Albernoa, au sud de Beja par la route expresse E 802. Compter 4 heures depuis l’aéroport de Lisbonne, direction plein sud, d’abord par l’autoroute A2.
Comment?
Quelques vins (dont les trois ci-contre) sont importés par le pionnier des vins lusitaniens en Suisse, qui fête ses 30 ans de commerce ce printemps, Manuel Gomes, à Bâle, www.gomes-weine.ch.
Combien?
Une dizaine de vins, rouges, blancs et rosés, en fonction du millésime, assemblage ou monocépage, écoulés via un «wine club» sur le modèle des «wineries» de Napa Valley.
Où?
www.malhadinhanova.pt
Jeudi 2 février 2012, soirée vigneronne à l’Auberge de l’Onde, à Saint-Saphorin (www.aubergedelonde.ch).

Trois coups de cœur

Antào Vaz da Peceguina 2010, 20,50 fr.
Un vin blanc monocépage au nez citronné, avec des notes délicates de miel d’acacia; souple en bouche, fin et élégant; belle fraîcheur de fruits exotiques qui ne trahit pas sa (relative) richesse en alcool (13,5%). Vinifié en cuves inox. (9’800 bout.)

Monte da Peceguina 2010, 18,50 fr.
Assemblage rouge (35% d’aragonès, 30% d’alicante bouschet, 15% de touriga nacional, 10% de syrah, 10% de cab. sauv.), classé «vinho regional alentejano». Le sol pauvre et schisteux lui confère la fraîcheur d’un vin presque «nouveau», au fruité de sureau, de cerise rouge, et une finale sur l’amande amère (158’000 bout.).

Malhadinha 2009, 45 fr.
La cuvée emblématique du domaine: en 2009, 30% de tinta miuda (graciano), 30% d’aragonès (tempranillo), 20% d’alicante bouschet, 12% de touriga nacional et 8% de syrah ; nez taosté (16 mois de barriques de chêne français), volume ample et généreux (15,5% d’alcool avoué!), beaucoup de gras, sur des arômes juvéniles de café torréfié et de vanille (23’000 bout.).

VO de l’article paru dans 24 Heures le 29 janvier 2012.