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Posted on 14 janvier 2005 in Adresses, Restos

Champéry (VS) — Café Mitchell’s

Champéry (VS) — Café Mitchell’s

Café Mitchell's, Champéry (VS)
Lounge hors piste

L'un est Irlandais, l'autre Suédoise. John Mitchell et Kina, la petite quarantaine, se sont rencontrés à Champéry. Il y a quatre ans, ils ont racheté une ancienne pizzéria, fermée durant deux ans, presque sous le téléphérique de Planachaux. Dessiné par les architectes Bonnard et Voeffray, le local, aux bais vitrées, renoue avec une étonnante vocation moderniste quand, au milieu des années 70, les propriétaires d'alors en avait fait un café au mobilier «design» de l'époque. L'aventure avait tournée court…
Dans la boîte en béton, aux murs noirs et orange, les architectes ont fait jaillir quatre troncs d'arbre du plancher lavé. Un voile blanc plissé figure le feuillage, constellé de branches à lumière terminées par des ampoules. La cheminée partage sa colonne avec trois écrans de télévision. Un autre, géant, tapissse le coin lounge. Au bar, on grimpe sur des tabourets de fer surmontés d'un coussin de feutre.
Au Mitchell's, qui naturellement, a pris le nom du patron, on sert, dès l'après-ski (à 15 h.), d'amusants en-cas. La carte est résolument «worldcuisine», version autodidacte et branchée nordique. Elle se décline en versions «franska» et «engelska», comme on l'écrit du côté de Stockholm. Mais l'éventail des viandes va du renne de Laponie au kangourou d'Australie, en passant par le springbook sud-africain. Le premier, fumé «maison», est émincé en carpaccio, marié à du parmesan et escorté d'un gros câpre vinaigré, une «pomme de Capri»: excellent! Le kangourou — et que ça saute! — arrive sous forme de brochette: une viande qui vaut un gibier de Pologne ou de Hongrie qu'on affecte de croire noble… Le springbook, lui, est mélangé à du porc, dans des boulettes que les Suédois mangent volontiers. En autodidacte, John, qui travaille avec trois personnes en cuisine, a appris à fumer dans une casserole, toutes ses viandes, qu'il marine aussi. L'aromatisation produit tous ses effets, souvent originaux, où on reconnaît autant la senteur légérement boisée que le thym ou le romarin.
Mais c'est du côté des produits de la mer que l'originalité est aussi au rendez-vous. Passons sur le saumon, réputé sauvage de Norvège, servi en tartare, à la fois gras et relevé et préférons-lui celui d'écrevisses, citronné, parfumé à l'aneth et, pour les amateurs, les harengs. Souvent, cette cuisine joue sur la balance du sucré-salé-épicé et flirte autant avec la sauce soja que le vinaigre balsamique… Mais au moins, on nous épargne les discours emberlificotés des grands chefs français qui s'y mettent de plus en plus, en s'autojustifiant, de Ducasse aux frères Pourcel. Et les prix restent ceux d'une brasserie (autour de , sur la diagonale du goût uniformisé Barcelone-Tokyo 50 francs), dessert, comme cet excellent moelleux au chocolat compris! Vins, suisses d'abord, et quelques flacons du nouveau monde, bien ciblés. Et service au diapason de l'ambiance, cool.

La bonne adresse
Café Mitchell's
1874 Champéry
ouvert tous les jours dès 15 h., jusqu'à fin avril
tél. 024 479 20 10

Le vin qui va avec…
Pinot blanc insolite
A cuisine moderne, vins itous. Ceux de Bernard Cavé, jeune gourou du Chablais vaudois, nouvellement installé dans sa cave doublée de tôle au pied du Château d'Aigle. L'oenologue joue de tous les moyens à disposition pour étoffer ses vins. Prenez le pinot blanc. En bon Vaudois, il pourrait le produire sur place. Eh bien, il va le chercher à Genève, où le climat est plus favorable au cépage et où les viticulteurs ont (déjà) appris à juguler la production. Ensuite, il le fait récolter au pic aromatique et le concentre à hauteur de 10%, en éliminant de l'eau, mais en renforçant les parfums, discrets, du pinot blanc. Neuf mois de barriques renouvelées sur trois ans, et une double fermentation en bois en font un vin sec mais gras, vanillé, mais à la touche exotique (lychee, ananas), parfait sur une cuisine sous multiples influences. cibléd'inox ondulé, le sont depuis huit ans. Le jeune œconstruireAu passage, il revendique la seule appellation de «vin blanc suisse de pays». le raisin à sonparachèvent un peu idéal sur une cuisine sous  multiples Passe-partout, peut-être, mais d'avant-garde, sûrement!

Chronique de Pierre Thomas, parue dans Le Matin-Dimanche, janvier 2004.