Lignières (NE) — Hôtel de Commune
La relève vire au compas
Si vous aimez le steack de cheval à l'ail, le filet mignon aux morilles ou la fondue bourguignonne, «Chez Dédé» reste une adresse connue des Neuchâtelois. Mais attention: Alban Moret vient de rejoindre l'auberge familiale, où son père, André, en duo, continue à maîtriser la cuisson des viandes. Normal pour un boucher de formation…
Tout a été prévu, l'automne dernier, pour que ce «coup de jeune» démarre sur des bases solides: à l'arrière du café, logé dans une belle maison à la tour penchée, datant de 1730, la cuisine est ultra-moderne, avec son guigne-clients et sa cheminée vitrés. La salle à manger met en valeur le bois brut et le calcaire des auges de ces anciennes écuries, revêtues d'un damier en diagonale et meublées «design» sans tape-à-l'œil.
Virage à 180°
Le fiston, grand gaillard de 29 ans, a pas mal bourlingué: Espagne, Grisons, Australie, Afrique du Sud. Avec plusieurs escales au Vieux-Manoir à Meyriez, près de Morat, avant de revenir dans cette commune où le compas tient lieu d'emblème. Depuis son retour, il y a six mois, virage à 180°: la carte change tous les mois, avec deux menus, à 47 et 69 fr.. Dans le premier, on a goûté un très habile et ravigotant pressé de légumes au pistou, un osso-bucco revisité à la mirepoix de légumes et, gremolata, donc aux zestes de citron.
Tiré du second menu, un filet de bar cuit sur sa peau, une crème de brocoli et choux-fleurs où les deux éléments sont visuellement dissociés et gustativement unis, un savoureux magret de canard à la succulente sauce à la vanille. Et une assiette de fromages qui réussissent l'exploit d'être d'ici: un bon gruyère et une tomme du fromager (on est à 800 m. entre lac et Jura), un chèvre local lui aussi et le Bleuchâtel, moelleux persillé de Fontainemelon. Pour les vins, il suffit de se baisser… à la hauteur de Cressier. Les meilleurs crus sont référencés.
Une clientèle à convertir
Au dessert, l'épouse du jeune chef, Dominique, nous a tendu une carte pourvue en glaces industrielles, arrosées d'alcool. Perplexité. Alban Moret s'en explique: «Je proposais, au début, quatre desserts maison et les clients me réclamaient des glaces… La moitié de ma clientèle est attachée aux plats traditionnels, l'autre moitié est novatrice. Je dois m'en tenir à la volonté des clients: c'est parfois un peu décourageant. Mais Rome ne s'est pas faite en un jour!» Lignières non plus: la carte de visite de la maison mentionne un «droit d'auberge depuis 1631».
La bonne adresse
Hôtel de Commune
Place du Régent 2
Lignières (NE)
tél. 032 751 22 62
fermé mercredi soir et dimanche soir
Le vin qui va avec…
Un pinot d'avenir
Sur le domaine Grisoni-La Rochette, à Cressier (NE), le pinot noir est trois fois plus important en surface (12 ha) que le chasselas (4 ha). Lancé en 2000, le pinot noir Vieilles vignes signé Grisoni est logé dans une belle et lourde bouteille. Le ramage est à la hauteur du plumage: une couleur rouge soutenue; un nez fumé, complexe; en bouche, les arômes sont à la fois fruités et concentrés.
Depuis l'arrivée du passionné Jacques Tatasciore au côté de Christian Jeanneret, les vins du Domaine Grisoni, valeur sûre du vignoble neuchâtelois, ont fait un saut qualitatif. Tout le travail viticole vise à produire des raisins plus petits, plus concentrés (300 g. au mètre carré!), longuement fermentés, sans ajout de levure, puis le vin est passé en «pièces» (fûts bourguignons) durant dix-huit mois et pas filtré. Le 2002 vient d'être mis en bouteille. Les 2000 et le 2001 ont obtenu chacun un VINEA d'argent au Mondial du Pinot noir à Sierre. En attendant l'or, déjà décroché par Les Ricieux 2000, sous l'étiquette de La Rochette.
Chronique de Pierre Thomas, parue dans Le Matin-Dimanche, mai 2004.