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Posted on 15 avril 2005 in Vins suisses

Valais — La petite arvine excite les scientifiques

Valais — La petite arvine excite les scientifiques

La Petite Arvine, cépage valaisan le plus prometteur
La preuve scientifique de l’exception
*Les vignerons valaisans comptent beaucoup sur la Petite Arvine *La chimiste Claudia Fretz vient de lui consacrer sa thèse de doctorat *En quatre ans de travaux pratiques, elle a pu expliquer en quoi ce cépage est exceptionnel.
Pierre Thomas
Ah si le bouquet de la Petite Arvine avait été moins complexe, le visage du Valais (et non le nez de Cléopâtre) eut été différent… Fin février, Claudia Fretz, 30 ans, a défendu avec succès sa thèse sur ce cépage blanc propre au Vieux Pays, à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Quatre ans durant, à l’Ecole d’ingénieurs de Sion, la HEVs, elle a approché du plus près qu’il soit possible les arômes de la Petite Arvine, sous la conduite du professeur Jean-Luc Luisier, qui vient de prendre sa retraite.
Une véritable symphonie
Son successeur, Matthias Wüst, résume allegro vivace le résultat de ces recherches : «La plupart des cépages livrent un bouquet qui ressemble à un concerto, où un instrument domine, tel le piano ou le violon. La Petite Arvine, elle, déploie une véritable symphonie.» En analysant scientifiquement les arômes — cette discipline se nomme l’«olfactométrie» et, au passage, la haute école valaisanne y a gagné une expertise utilisée pour d’autres domaines que le vin —, l’équipe a pu dresser le profil aromatique du vin. Plus d’une vingtaine d’arômes ont été détectés. Là où le dégustateur décèle une note rappellant le caramel, le scientifique mesure du butyrate d'éthyle ; pour la banane, de l’acétate d’isoamyle, pour la poire, de l’hexanoate d’ethyle, pour le fruit de la passion, de l’octanoate d’ethyle, pour la rose, de l’acétate de phényléthanol, pour la rhubarbe, du 3-mercoptohexanol et pour la rose, du 2-phényléthanol. Autant de molécules connues… ou moins connues, comme celle de l’«arôme de coing», qu’un étudiant valaisan va tenter d’identifier dans un proche avenir, dans l’espoir de trouver une nouvelle molécule.
Une complexité prouvée
Tout cela peut paraître de la science pour la science. Mais, ces analyses démontrent que la Petite Arvine est, effectivement, plus complexe que ce qu’on imaginait. Cette richesse aromatique ne permet pas de réduire le cépage valaisan à un seul arôme dominant. En cela, la Petite Arvine diffère notablement du Sauvignon blanc, que le professeur d’œnologie Denis Dubourdieu a pu analyser et mettre en évidence. Le Bordelais était, du reste, un des experts du doctorat de la jeune chimiste zurichoise.
En travaillant sur les «précurseurs d’arômes», les scientifiques ont pu définir la typicité du cépage et vont pouvoir donner de précieuses indications pour que les vignerons puissent mieux exprimer sa richesse aromatique. Cela va de la sélection des clones à des conseils de vinification. Par exemple: la Petite Arvine ne craint pas les températures de fermentation élevée, la fermentation malolactique ne paraît pas réduire son potentiel aromatique, sa sensibilité à l’oxydation demande du doigté dans l’élevage en barrique…
Jamais, jusqu’ici, sur un cépage suisse, on était allé aussi loin dans l’étude. Reste, maintenant, à en tirer les conséquences de la terre au verre.

Eclairages
Eviter de gâcher un trésor
Thierry Constantin, de Pont-de-la-Morge, tout neuf président de l’Union des vignerons-encaveurs valaisans (300 membres), Benoît Dorsaz, de Fully, et Jean-Yves Crettenand, de Saillon, ont vu leurs Petites Arvines distinguées par le Label Nobilis. Ils disent ce qu’ils pensent du cépage dont la surface est passée de 65 à 101 ha en cinq ans.
Pour Thierry Constantin, la recherche scientifique doit avoir des retombées «terre-à-terre, pour définir sur quel type de sols la Petite Arvine doit être plantée, dans quelle limite de rendement elle doit être produite, pour éviter que des vins de bas de gamme cassent le marché. Avec un cépage tardif qui peut être très productif, on passe vite du grand vin à la vinasse !»
Jean-Yves Crettenand, adepte de l’arvine sèche, rend hommage à la «Sélection Valais», des ceps reproduits à partir de vieilles souches par les pépiniéristes, qui a déjà donné «de pures merveilles». Avant même que l’étude scientifique le confirme, le jeune vigneron de Saillon savait «qu’il ne faut pas brûler les arômes de l’arvine, qui sont juste sous la pellicule du raisin. Une grappe jolie à voir, bien dorée, ne donnera pas un grand vin !», dit-il, lui qui aime les vins «secs, floraux, typés glycine, fruité, avec une bonne acidité».
Associé au travail de Claudia Fretz, Benoît Dorsaz a déjà tiré des conséquences sur la «vinification sur le fil du rasoir de la petite arvine, entre réduction et oxydation». Lui aussi redoute les «prix d’appel de certains marchands, qui seraient une insulte à la classe mondiale du cépage». A Fully, tous les deux ans, se déroule un «sommet», «Arvine en capitales» : cette année le 19 novembre, avec la présence d’une vingtaine de producteurs et une dégustation de vins surmaturés, pour passer de la théorie à la pratique.

Les plus récents Labels Nobilis pour des arvines
Vins secs
Grand Or : Jean-Yves Crettenand, Saillon, millésimes 2003 et 2001; Julien et Ghislaine Carrupt, Chamoson, 2002.
Or : Benoît Dorsaz, Fully, 2002; Noël Thétaz & Fils, Saillon, 2002 et 2003; Alexis Jacquérioz, Martigny, 2003; Domaine du Grand-Brûlé, Etat du Valais, Leytron, 2002; Cave de Riondaz, Sierre, 2002 ; Fabienne Cottagnoud, Vétroz, 2002 ; André Fontannaz, Vétroz, 2003; Cave Saint-Georges, Sierre, 2003; Domaine des Muses, Sierre, 2002; Imesch, Sierre, 2003; Provins Valais, Sion, 2003; Rouvinez Vins, Sierre, 2003; Cave Saint-Ginier, Venthône, 2002; Cave de la Dôle Blanche, Leytron, 2002; Jean-René Germanier SA, Vétroz, 2002.
Vins liquoreux
Grand Or : Benoît Dorsaz, Fully, 2001; Caveau de Salquenen, Salgesch, 2003; Thierry Constantin, Pont-de-la-Morge, 2002.
Or : Thierry Constantin, Pont-de-la-Morge, 2003; Domaine Cornulus, Savièse, 2001; Benoît Dorsaz, Fully, 2000; Marie-Thérèse Chappaz, Fully, 2000.

Texte paru dans Al Dente, L'Illustré, mars 2005.