Morges (VD) — Les Guérites, Hôtel Mont-Blanc
Sans beurre ni reproche
«C’est la première fois, au Mont-Blanc, qu’on ne sert pas de beurre blanc», rigole le chef Henri Fauchereau. Ce Lorrain, à la tête d’une brigade permanente de neuf pros tournants depuis huit ans, ne manque pas de répartie : «Il n’y a pas besoin d’être né provençal pour cuisiner à l’huile d’olive.» Depuis que le vénérable hôtel des quais de Morges a été repris par Robert et Suzanne Pontet de la famille Heppel, il y a un peu plus de deux ans, la restauration a mis le cap sur le Sud… Au point que, parmi les cinq cents manifestations romandes autour de la Semaine du goût (jusqu’au 26 septembre), le Mont-Blanc donne lieu à un sommet d’huiles d’olive. Des jus extra vierges d’Italie, de Provence, du Maroc et d’Argentine sont conviés par deux partenaires, «L’huile au trésor», un importateur morgien qui tient un banc au marché local du samedi, et «Les vins d’honneur» (lire ci-contre). Jeudi soir 23 septembre, on pourra même déguster, dès l’heure de l’apéritif, une bonne douzaine d’huiles et faire son oléiphile Jean-Louis (le concours de dégustation des vins blancs vaudois au Comptoir de Lausanne).
La semaine du (bon) goût, ici, se prolonge toute l’année… Le chef a tiré de sa carte quelques plats de circonstance. Les frimas automnaux condamnant la vaste terrasse, c’est dans la confortable salle pastel, tendue de bleu et de rose, au premier étage, que se déguste cette cuisine judicieusement allégée. Elle fait la part belle à l’inspiration méditerranéenne. En guise d’amuse-bouche, du pain libanais, garni de hoummos onctueux, puis un millefeuille d’aubergine au fromage de chèvre, mariné dans une huile d’olive des Baux-de-Provence, où la tomate joue un rôle vivifiant. Cuisson parfaite d’une noix de Saint-Jacques grillée à l’ail et au persil. Puis, «à la plancha», comme si elle venait de Valence (mais reste une mal-aimée du Léman !), un filet de féra, croustillant sur sa peau, moelleux à l’intérieur, et sa sauce à l’huile italienne. Si le corps gras sert à cuire, il aromatise: c’est même aujourd’hui son utilisation de prédilection, pour lui conserver tous ses goûts.
Parmi les menus, qui s’échelonnent de 48 à 89 francs, «l’arrivage du pêcheur» s’arrache : cette dorade dodue s’accompagne de trois huiles au choix du client. Un tabac, assure le patron, Robert Pontet, un routinier de l’hôtellerie romande, du Vieux-Manoir au lac à Meyriez (près de Morat) à Veysonnaz (VS). Malin, il propose aussi une douzaine de vins au verre, en blanc comme en rouge, tirés de bonnes bouteilles. Et puis, si vous voulez célébrer le Jeûne fédéral, n’oubliez pas ce crumble croustillant aux pruneaux, qui détourne sans façon la coutume confédérale.
La bonne adresse
Hôtel du Mont-Blanc au Lac
Quai du Mont-Blanc, Morges
Tél. 021 804 87 87
Ouvert tous les jours
L'huile qui va avec…
La crème des huiles d'olive
L’intérêt que porte Johny Seara, des Vins d’honneur, rue du Midi, à Lausanne, aux huiles d’olive est génétique. De père galicien et de mère italienne, il est étranger au beurre… Surtout, ce fin sélectionneur de viticulteurs réunit les tenants et aboutissants d’une même filière. Importateur d’huiles d’olive italiennes, il les rencontre d’abord dans les salons, tels Vinitaly. En Italie, qui cultive la vigne plante des oliviers ; en Toscane, comme en Ombrie ou dans les Marches. Et Johny Seara importe des huiles de Cimarelli ou d’Arnaldo Capraï, qui se sont fait un nom dans le monde du vin. Pourtant, la favorite de sa clientèle (à la fois œnophile ou simplement de bon goût) reste cette «Affiorato». Elle réunit à la fois une certaine douceur, perceptible sous le piquant qui signe les grandes huiles, et un bon pouvoir aromatique, frais, vert et dynamique. Vendu 26 francs les 75 cl, ce flacon des Pouilles est issu de plusieurs huiles, obtenues non par pressurage, mais par gravité : le producteur l’enlève de la surface d’olives à broyer, comme le laitier le fait de la crème…
Chronique de Pierre Thomas parue en septembre 2004 dans Le Matin-Dimanche.