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Posted on 8 mai 2006 in Adresses, Restos

La Neuveville (BE) — Le Jean-Jacques Rousseau

La Neuveville (BE) — Le Jean-Jacques Rousseau

Hostellerie J.-J. Rousseau, La Neuveville (BE)
Jean-Jacques remis à l’heure

Comme l’écrit le guide Michelin rouge (Suisse) 2006 : «Hostellerie alanguie au bord du lac de Bienne, devant l’île Saint-Pierre, si joliment évoquée par Rousseau dans les Rêveries.» C’était avant le passage de la tornade Thomke. Cet hiver, le paquebot encalminé dans le port de La Neuveville a été partiellement rénové, après sa reprise par une société de l’un des pères de la Swatch. Avant Nicolas Hayek, Ernst Thomke, alors directeur général d’ETA à Granges, a cru, le premier, dans ce «calibre 500-121». Après un parcours à tous les étages de la SMH, jusqu’au début des années 1990, ce redresseur d’entreprises a restructuré le camionneur Saurer, le chausseur Bally, l’avionneur Pilatus ou l’ingénieur Motor-Columbus.
Entre région et fusion
Le voilà donc, juste passé l’âge de l’AVS, sauveur de l’hôtellerie dans la région horlogère… où il a installé son fils. Manuel Thomke, 31 ans, est diplômé de l’Ecole hôtelière de Lucerne comme son associé, Oliver Tura. Avec le chef Nicolas Hafner, ex de chez Real à Vaduz et d’Oskar «Chrüti» à Mooseedorf (BE), ce trio faisait partie de l’équipe de La Rotonde biennoise.
La vénérable hostellerie et ses vastes terrasses ont déjà été «swatchisée» : décor style «lounge» (travertin glacé et bois exotique noir, velum sous la verrière), ou terrasse au mobilier d’osier, et personnel jeune et enjoué.  La carte, elle aussi, se la joue résolument moderne. Bien sûr, on y trouve les filets de perche, servis ici frits. Pour se distancier de la standardisation qui menace, les plats sont signalés «maison» ou «hausgemacht» sur la carte bilingue, français-allemand. Le chef pratique une cuisine à mi-chemin entre région et fusion, comme ce «ceviche» mariné au citron vert, ce «teriyaki» de saumon aux épices japonaises (34,50 fr.), ce «surf and turf» (crevettes grises et bœuf enfilés sur une brochette) sauce BBQ (38,50 fr.). A noter un menu du soir à 59 fr., un lunch à 29,50 fr. et une assiette du jour autour de 20 fr., servis sur les terrasses (jusqu’à deux cents couverts!).
La faute… à Rousseau !
Nous avons jeté notre dévolu sur un délicieux potage (9,50 fr.) aux oignons nouveaux du Seeland, le jardin de la Suisse, juste en face, derrière le bourg d’Erlach, et une bouillabaisse (24 fr. en entrée). Pas une soupe de poissons, mais un bouillon à l’aneth dans lequel sont plongés poissons et crustacés, à la cuisson à-propos. Dommage que sa «rouille» n’ait pas eu davantage de tempérament ! Puis, servi sur un lit de poireaux étuvés mélangés à des pâtes à l’encre de seiche, un sandre moelleux, qui ne tenait pas sa curieuse promesse d’être «à la rose» — diantre… — à la cuisson impeccable (37,50 fr.). Curiosité encore, un coquelet glacé au rhum et sucre (36 fr.), bel et bien caramélisé, moins moelleux à cœur qu’on l’attendait, car séché par la rapidité de la cuisson. Au dessert, présenté artistiquement, honnête fondant au chocolat et sa glace vanille où le sirop de safran de l’exquis biscuit financier aux noisettes eût pu amener un original contrepoint…
La carte des vins privilégie les crus régionaux, quelques italiens et espagnols, mais exclut tout flacon français. La faute à Rousseau, justifie un petit texte… On ne s’en plaindra pas : le lac de Bienne, l’entre-deux-lacs, ou l’entre-trois-lacs (Neuchâtel, Bienne, Morat), réservent leur lot de surprises qui dépassent le régionalisme borné.

La bonne adresse
Hôtel J.-J, Rousseau
La Neuveville
032 752 36 52
Ouvert tous les jours, midi et soir

Tiré de sa cave
Un malbec qui fait tic-tac
Après le sauvignon et le viognier, interdits, sauf à fin d’essai, dans le prussien Pays de Neuchâtel, mais plantés à La Grillette, Domaine de Cressier (NE), voici, en rouge et hors AOC, du malbec. Le Landeron se prend-il pour Cahors? Dans le verre, le résultat détonne. Pour son premier millésime, 2004, ce mariage de malbec-merlot, deux cépages faits pour s’entendre dans le Sud-Ouest aussi, s’avère remarquable, grâce à un rendement faible de 500 g. au mètre2. La robe est presque noire, le nez discret, l’attaque fraîche et intense; le volume en bouche ample, avec une longue finale sur les fruits noirs et la mine de crayon. Une réussite, mieux «calibrée» que maints gamarets ou diolinoirs de l’axe Genève-Valais, à mettre au crédit d’un autre retraité hyperactif, Jean-Pierre Mürset. Après le départ du duo Jean-Claude Martin-Thierry Lüthi, c’est un jeune œnologue et viticulteur, Michel Schürch, qui est en charge des vignes (20 hectares), de la cave et de la valorisation des crus haut de gamme (26 fr. pour ce malbec-merlot, 36 fr. pour un merlot longuement mûri en barrique). Précision, le Domaine (www.grillette.ch) s’autoproclame «Les horlogers du vin». Voilà A.-D. Perrin, ex-PDG de Cartier, et rénovateur du Cahors (Château Lagrezette), averti…

Chronique parue dans Le Matin-Dimanche du 7 mai 2006.