Crise viticole : des nouvelles du front
Les vignerons valaisans et de Lavaux font part de leurs inquiétudes. Pour les premiers, seules deux caves du principal canton viticole ont payé la vendange 2019 à 100%. Pour les seconds, aucun décavage de vin en vrac n’ont été effectués sur les millésimes 2018 et 2019…
Réunis à Bramois le 21 février, les vignerons valaisans ont appris le même jour qu’un des soucis, lié à la coopérative Provins (qui prend en charge au moins 20% de la vendange valaisanne et devrait être transformée en société anonyme d’ici l’été), était partiellement levé. Provins a trouvé un accord avec des banques pour s’acquitter du solde du paiement de 2018 et un acompte pour 2019. Selon l’hebdomadaire Agri, on a beaucoup parlé des cépages qui ne se vendent plus, des contrats de location de vignes dénoncés, et d’acomptes très faibles payés aux livreurs de vendange (1 à 2 francs le litre).
A Lavaux, les vignerons lancent un «appel à la solidarité», daté du 18 février. «La situation du marché du vrac est extrêmement inquiétante. Les stocks en cave peuvent représenter jusqu’à deux récoltes dans certains cas, la consommation reste anémique et la concurrence des vins étrangers reste forte et ne va pas s’atténuer.» Appel est fait à la solidarité vigneronne : «Il est essentiel de ne pas céder à la panique en procédant à des ventes intempestives, car cela entraînerait les prix dans une spirale à la baisse qui mettrait en danger l’ensemble du secteur sans pour autant stimuler la consommation. Il importe en particulier de ne pas vendre en vrac sans avoir obtenu un prix cohérent et des garanties de l’acheteur.» Avec un groupement local de négociants, le GENAL, les vignerons de Lavaux proposaient un prix indicatif de vin clair : pour la récolte 2019, compte tenu des circonstances, il n’a pas été possible de l’établir.
Des problèmes de vrac d’abord
Dans les «bonnes» nouvelles, les Vaudois soulignent que le marché de la bouteille est stable. Les Valaisans soulignent que la vente de vin suisse en bouteille aurait même augmenté depuis quelques mois. Tous mettent de l’espoir dans la campagne exceptionnelle menée par Swiss Wine Promotion, avec des actions ciblées, en partenariat avec les milieux concernés, pour mieux vendre les vins suisses dans les grandes surfaces et dans les établissements publics de Gastro-Suisse. Les uns et les autres mettent de l’espoir dans l’institution d’une «réserve climatique», pour laquelle une base légale fédérale fait défaut.
Selon les vignerons, la grande distribution relève que le secteur vitivinicole suisse soufre d’un problème structurel: cela fait quand même des lustres que certains le disent!
Cité par Agri, le président de la Société des encaveurs des vins du Valais, Claude Crittin,plaide aussi pour la réserve climatique et la promotion des vins suisses. Mais il estime qu’il faut «adapter les vins aux goûts des consommateurs», mieux cerner le marché en optimisant l’Observatoire suisse du marché des vins, enfin «adapter le vignoble et limiter la production à une dizaine de cépages plébiscités par le marché.» Pour que, finalement, la production s’adapte à la demande.
Une vendange 2019 sous les 100 millions de litres
Dans ce contexte, et comme elle le fait chaque année à la même période, Berne a publié les chiffres de la vendange 2019. Elle reste inférieure aux 100 mios de litres (98), et surtout à la grosse vendange 2018 (— 13 mios, soit — 12%). 2019 s’inscrit ainsi en retrait d’un petit % par rapport à la moyenne décennale, mais pas de comparaison avec la consommation : il faut attendre Pâques pour obtenir ces chiffres, découlant de l’état des stocks.
La Suisse romande a produit quelque 80% des vins de 2019 : 78 mios de litres, le Valais, 36,6 mios, Vaud, 27,8 mios, Genève, 8,5 mios, Neuchâtel, 3 mios; puis, le Tessin, cinquième canton producteur, 5,7 mios; Zurich et Schaffhouse, un peu plus de 3,2 mios, les Grisons, 2 mios. Tous les autres cantons sont en-dessous de 2 millions de litres.
Question qualité, et c’est le plus frustrant sans doute pour les vignerons, les deux millésimes, l’abondant 2018 et le 2019 sont d’excellente qualité: même le «guide Parker» en témoigne…
©thomasvino.ch