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Posted on 10 janvier 2005 in Tendance

Vins suisses — Les vendanges 2004 en Suisse en chiffres

Vins suisses — Les vendanges 2004 en Suisse en chiffres

Vins suisses
2004, bon en quantité et en qualité

Tandis qu’en France, les viticulteurs manifestaient leur colère dans la rue, au lendemain de vendanges pléthoriques, la Suisse a accueilli dans une quasi-indifférence les résultats de la récolte 2004. Retour sur des chiffres et perspectives en demi-teintes.
Par Pierre Thomas
La Palice aurait pu l’écrire : 2004 a le désavantage de venir après 2003, hors normes, où jamais la Suisse n’a produit aussi peu de vin (moins de 100 millions de litres). Avec un été pluvieux, 2004 annonçait un millésime standard, et une grosse vendange. Ces pronostics pessimistes ont été déjoués par un magnifique automne.
Vaudois et Valaisans se félicitent de la qualité, avec des vins plus équilibrés qu’en 2003, bâtis sur une acidité naturelle gage d’une bonne garde. Les Valaisans vont même jusqu’à octroyer à 2004, en étoiles, cinq sur cinq, tant en blanc qu’en rouge, ce qui ne s’est encore jamais vu, les années d’aussi bonne veine étant 1995 et 1996 en blanc, 2000, 1992 et 1990 en rouge. Sans doute cède-t-on un peu vite à l’euphorie (lire l’encadré)…
Proche de la consommation
La quantité est un paramètre plus objectif. Les dernières «grosses» vendanges datent de 1999, avec 130 millions de litres. Les quatre années suivantes, la production n’a cessé de baisser pour se rapprocher de la consommation réelle de vin suisse. 2004 est plus abondant que 2003, bien sûr, et même que 2002, mais, avec 111 millions de litres, inférieur à 2001 (117 millions). Sous réserve des statistiques de consommation, que Berne n’a pas encore publiées, le vignoble paraît dans la cible.
Si l’on compare la situation des quatre principaux cantons romands qui produisent 80% du vin suisse, deux ou trois éléments surgissent. A lui seul, le Valais fournit la moitié de la vendange du quatuor et Vaud, 35%. 60% du vin valaisan est rouge : sa part n’a cessé d’augmenter depuis 1990 déjà. Dans le Vieux-Pays, 2004 s’avère la vendange la plus abondante depuis 1999, à l’exception de 2000, légèrement supérieure.
Le rouge progresse partout
En pays de Vaud, on a récolté trois fois plus de blanc (soit 5 millions de litres de plus qu’en Valais, mais presque deux fois plus de chasselas que de fendant), que de rouge, pourtant en plus grande quantité que les trois dernières années. Genève, mettra sur le marché 30% de vin de moins qu’en 1999, et produit pour la première fois de son histoire plus de rouge que de blanc (53% à 47%). Neuchâtel, où la nature a été plus généreuse qu’en 2000 et 2003, devrait bientôt basculer dans le camp du rouge majoritaire, qui atteint en 2004, 47% de la vendange. Et la Suisse passe clairement au rouge : l’écart, ténu en 2003 pour une première historique, se creuse, avec 52% de rouge.
Trois coups d’arrêt en 2005
Globalement, le bilan de 2004 paraît positif. Mais 2005 s’annonce menaçant. D’abord, les vignerons estiment avoir atteint l’apogée dans la diversification de leur production. On en veut pour preuve l’octroi des subventions fédérales pour le réencépagement, à condition d’arracher du chasselas et du riesling X sylvaner. Les Vaudois avaient convertis 88 hectares en 2002, puis 44 ha en 2003 et seulement 34 ha l’an passé. La même décrue s’observe en Valais, où la priorité est de «digérer» les 22% de «spécialités» autres que le pinot noir, le gamay et le chasselas.
2005 sera aussi la dernière vendange où le droit de coupage avec du vin rouge étranger sera toléré, selon les accords bilatéraux. Dès 2006, les rouges suisses devront «tenir» sans cette béquille.
Le 0,5 pour mille redouté
Enfin, les vignerons voient d’un mauvais œil l’entrée en force du 0,5 pour mille d’alcool. La consommation de vin dans les hôtels, cafés et restaurants, qui a déjà chuté de 25% à 23% depuis 1999, selon un sondage MIS-Trend, devrait encore régresser. Et ça n’est pas les tentatives d’abaisser de quelques degrés d’alcool certains vins spécifiques, là où la non-chaptalisation du chasselas reste un sujet tabou, qui va changer les choses. La substitution de la bouteille au profit de la désirée (0,50 l.) ou du cru au verre, voire du décilitre à l’once (un déci divisé par trois) ne résoudront pas la diminution de la consommation, fût-elle vue par ce petit bout de la lorgnette.

Eclairage
Une inflation de médailles
On l’avait déjà souligné pour les Sélections genevoises, Vaud et Valais confirment la tendance : les jurys des concours régionaux cèdent à l’inflation. Selon la revue «Le Guillon», sur 924 vins vaudois dégustés en mai et août 2004, les deux tiers (623) ont mérité un certificat de qualité. En août, sur 219 vins rouges, 17 ont obtenu de très hauts pointages (plus de 96 points sur 100). Et un seul, le «Sextuor» 2002, du duo Fabio Penta — Charles Rolaz (Hammel), frise la perfection absolue, avec 99 points (palmarès sur www.ovv.ch).
Le Valais fait aussi bien, si l’on peut dire ! En deux sessions, le Concours Nobilis a décerné 197, puis 92 médailles d’or (palmarès sur www.vinsduvalais.ch). Douze vins ont décroché une «grande médaille d’or», dont dix vins liquoreux, et, pour un vignoble qui produit pourtant 60% de rouge, seulement deux vins rouges : le Gamay 2003, de Madeleine et Jean-Yves Mabillard-Fuchs, à Venthône, et le Cornalin 2003, de la légendaire cave Defayes-Crettenand, à Leytron.

Article paru dans Hôtel+Tourismus Revue, Berne, en janvier 2005