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Posted on 5 mars 2011 in Vins italiens

Montalcino: les 150 ans du Brunello et de l’Italie

Montalcino: les 150 ans du Brunello et de l’Italie

Jeudi 17 mars 2011, l’Italie fêtera ses 150 ans. Et le Brunello, grand vin toscan, aussi. Etape à Montalcino.
De retour de Montalcino, Pierre Thomas
En matière de récupération, les Italiens sont très forts. Avant 1861, l’Italie n’était qu’«une expression géographique», selon le mot de von Metternich. Dès cette date (et jusqu’en 1946), la Maison de Savoie règnera sur le Royaume d’Italie. Et Rome ne s’y rallie qu’en septembre 1870.
Tout au long de la seconde moitié du 19ème siècle, des hommes politiques portent le nouvel Etat sur les fonts baptismaux de ce Risorgimento — «résurrection». Les deux premiers présidents du Conseil de la nation sont Camillo Benso et Bettino Ricasoli. Le premier vient du Piémont, le second de la Toscane. Deux régions où s’élaborent les plus grands vins italiens. Benso, comte de Cavour, est un des fondateurs du Barolo — son château de Grinzane, près d’Alba, est aujourd’hui une œnothèque. Et le nom de Ricasoli est toujours associé au domaine du Castello di Brolio, où Bettino livra la «recette» du Chianti classico, vin rouge d’assemblage.
A la gloire du roi Brunello
Ce printemps, c’est un troisième vin, le Brunello, qui récupère l’événement. Il a plus ou moins 150 ans, ce grand rouge, secoué il y a cinq ans par un scandale. Fallait-il le limiter au sangiovese, le cépage toscan, ou permettre d’y ajouter des variétés internationales ? Certains ont passé outre à la pureté du vin. Pris la main dans le sac, ils ont suscité un retour des intransigeants. Début février, le Consorzio (le groupement des producteurs) a voulu relancer l’ouverture sur le Rosso di Montalcino, le «second vin» du cru. Le débat, portant sur l’assemblage avec 15% d’autres cépages, a tourné court. Mais ce n’est que partie remise.
Dans le bourg perché de Montalcino, on ne peut échapper au vin. Les boutiques et œnothèques sont innombrables, jusque dans la forteresse (magnifiques flacons!). Alentour, les domaines, grands ou petits, sont signalés au bord de la route. Le vin est dans toutes les bouches: on parle des microclimats, de l’orientation des vignes, de l’explosion du nombre des domaines, etc.
Florence contre Sienne
Pourtant, le charme de la Toscane va au-delà de cette réputation œnotouristique qui lui assure le succès. Les Etrusques, avant les Romains, s’y établirent. Puis des moines et des guerriers. L’Eglise, Sienne et Florence, se disputaient ces riches campagnes, alternant collines de pâture et d’oliviers. A Montalcino, durant cinq cents ans, au Moyen Age, on se battit, préférant les gibelins de Sienne aux guelfes de Florence. Un choix sanctionné par la bataille de Montaperti, en 1260. En revanche, les Médicis contrôlait Montepulciano, où sur la place principale trône la réplique du Palazzo Vecchio florentin.
Il faut aussi aller visiter la petite ville de Pienza, construite il y a 550 ans, par un homme d’Eglise, devenu le pape Pie II. Et plonger, au propre ou au figuré, dans les étonnants bains à ciel ouvert, la piazza d’acqua, au cœur du village de Bagno Vignoni. Les eaux, à plus de 50°, surgissent des entrailles du Mont Amiata. Le volcan éteint culmine à 1750 mètres d’altitude.
Par monts (le Crete) et par vaux (le Val d’Orcia, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO), chaque détour de chemin offre une vue stupéfiante. On est comme suspendu dans le ciel, avec pour seul repère, ici ou là, les feuilles argentées des oliviers trapus ou la silhouette élancée des cyprès. Dans le soleil ou la pluie. Dans le vent bourdonnant ou le silence reposant. Ici, 150 ans ne pèsent pas lourd face à l’Eternité.A voir : Sant’Antimo
En descendant de Montalcino (564 m. d’altitude) vers la Maremma, surgit l’abbaye de Sant’Antimo. Avec Vézelay et Tournus, elle est un des monuments romans les plus purs d’Europe. Le travertin, pierre entre le tuf et le marbre, lui donne une couleur jaune lumineuse. La nef, élancée, est soulignée par les chapiteaux des colonnes. Une communauté monacale y réside toujours (tour virtuel sur www.antimo.it, en anglais ou en italien). Au nord, l’abbaye de Monte Oliveto, au cloître majestueux, dépendait de celle de Sant’Anna in Camprena, près de Pienza, lieu du tournage du film «Le patient anglais».

A manger : Chianina e cecci
La cinta senese, un porc noir et gris, donne la charcuterie toscane. On mange la tagliatta, filet de bœuf de la race locale chianina, avec des cecci (pois chiches) ou de la rucola. Les pecorinos (fromages de brebis) de Pienza sont excellents. Meilleure adrese de Montalcino : Al Giardino. Le patron et chef, fils de restaurateur de Rimini, a passé par les Etats-Unis et Lyon, avant de poser ses couteaux, il y huit ans, dans le bourg de sa femme (www.ristorantealgiardino.it). L’Osticcio propose des bruschette (pain sans sel toscan servi toasté avec de l’huile d’olive et de la tomate), ses plats typiques et ses grands vins (www.osticcio.it).

A déguster : Brunello ou Vino Nobile?
A 30 km de distance, deux rouges se défient. Ils font partie des 56 vins italiens DOCG (dénomination d’origine contrôlée et garantie). Le Vino Nobile di Montepulciano a fait son aggiornamento: il tolère 30% de cépages autres que le sangiovese local, le «prugnolo gentile». 72 domaines mettent en bouteilles la vendange de 1’300 hectares (350 ha de Rosso). A Montalcino, 200 domaines s’adonnent au Brunello sur 2’100 ha des 3’500 ha (dont 500 de Rosso) de la zone, soit la surface du vignoble vaudois. L’Enoteca di Piazza, à Montalcino, propose une centaine de brunellos au verre, conservés sous azote (www.enotecadipiazza.com).

A dormir : Au cœur du bourg
Dormez à La Torre (70 euros la nuit) sur la Plazza Garibaldi, au cœur de Montalcino (www.latorremontalcino.it). Vous y entendrez la cloche de la tour du Palazzo communale (Office du tourisme), qui égrène les heures. Juste à côté, le théâtre des Astrusi, petit bijou du 18ème. Et le Café Fiaschetteria — comme en 1888. A l’hôtel Il Giglio, chambres avec vue sur les collines. Bonne table (www.gigliohotel.com). Piazza del Popolo, à la Pasticchiera Mariuscia, mandorlata (gâteau d’amandes) et ossi di morto (petite meringue aux amandes, et au Caffè alle Logge, beau choix de mousseux, wifi gratuit et WC à la vue panoramique (!).

Comment y aller
Les bourgs fortifiés de Montepulcinao et de Montalcino sont à 110 kilomètres au sud de Florence. Voiture indispensable (à louer à Florence). Aller plein sud par l’autoroute A 1 (l’Autoroute du Soleil et de Rome). Montepulciano est à 13 km. Ensuite, rejoindre Montalcino (30 km) par Pienza et San Quirico d’Orcia (d’où on bifurque pour Bagno Vignoni). On revient à Florence par Sienne, la tengenziale et le raccordo qui suit la Via Cassia.
Pour gagner Florence, choix du train et de l’avion (autour de 200 CHF AR). Meilleures connexions le matin avec le Cisalpino jusqu’à Milan, puis la Frecciarossa (deux par jour en 5 h 40). En avion avec Baboo, de Genève à Florence (vols samedi, lundi et jeudi, 1 h de vol).

Paru dans 24 Heures Samedi du 5 mars, version PDF téléchargeable ici.