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Posted on 19 avril 2020 in Tendance

Vins suisses, vignerons et virus

Vins suisses, vignerons et virus

En attendant de Berne les chiffres de consommation des vins, promis pour la fin de cette semaine, «le confinement rapproche les consommateurs des produits suisses, inclus le vin» et «les ventes de vins suisses se maintiennent par rapport à 2019 dans la grande distribution, malgré les problèmes de logistique» (et d’approvisionnement des linéaires). C’est le constat de la Fédération suisse des vignerons (FSV) dans un long communiqué interne.

Les vignerons réclament plus de promotion pour les vins suisses, afin de «reprendre des parts de marché en Suisse et à l’étranger». Pour ce faire, la FSV demande la suppression de la participation des fonds propres. En clair, Berne subventionne la promotion à condition que la branche mette des moyens financiers à la même hauteur — donnant, donnant, un franc pour un franc. La FSV demande de «mettre en place une obligation des importateurs à travailler également avec des vins suisses et pas seulement avec des vins étrangers. Il faut que les vins suisses aient les mêmes chances sur le marché que les vins étrangers.»

Introduire un système d’accise?

La FSV se garde bien d’esquisser une solution pratique… Nous l’avions fait il y a sept ans, reprise par un éditorial de l’édition en français du magazine Vinum : introduire un «droit d’accise».

Cette ancienne taxe (connue dès la fin du XVIIème siècle) doit frapper tous les produits d’une même nature, qu’il soient indigènes ou importés. Un calcul simple montre qu’une taxe de 50 centimes par litre de vin, quel que soit son prix de vente, rapporterait près de 50 millions de francs pour les vins suisses et 100 millions pour les vins étrangers.

Même si la Confédération (le Parlement et le peuple aussi) est allergique au «fonds liés», avec une telle taxe, les vignerons seraient fondés à demander des moyens accrus pour la promotion des vins. On supprimerait les taxes à la surface et au litre cantonales et on mandaterait Swiss Wine Promotion pour coordonner réellement les opérations de promotion en Suisse et à l’étranger. Le seul risque du système serait que la consommation des vins suisses remonte à plus de 37% (part 2019): un moindre mal, il suffirait alors d’adapter la taxe en fonction de nouveaux objectifs.

Subventionner le déclassement d’AOP en vin de table?

Dans les autres mesures, les vignerons peuvent inscrire jusqu’à 3000 litres de vin destiné à la distillation pour faire de l’éthanol. Problèmes : d’autres branches ont déjà offert leurs services et on ne connaît pas la demande des hôpitaux. Sans compter que le mécanisme financier délicat pour mettre à disposition un produit final à prix attractif…

Si toute l’Union européenne parle de la distillation du surplus des vins, la FSV préfère un «déclassement facultatif du vin AOC en vin de table et autres catégories inférieures», subventionné à hauteur de 2 francs le litre. On sait que ce genre de mesure est très négative, notamment pour l’image du chasselas: un vin réputé de qualité supérieure se retrouve bradé sur le marché (alors que la distillation l’élimine du marché!). La mesure devrait entrer en force pour faire de l’espace dans les caves, engorgées par des vins qui n’ont pas trouvé preneur.

Hormis la mise en place de la «réserve climatique» (permettant de reporter sur des années moins favorables une vendange un peu plus généreuse les bonnes années), à laquelle manque une base légale fédérale, la FSV réclame une «campagne de raisin de table et de jus de raisin pour 2020». Mais aussi que les «paiements directs» à la viticulture soient adaptés à titre «exceptionnel». Et que de la main-d’œuvre étrangère puisse travailler dans le vignoble, qui nécessite un apport saisonnier de bras. En théorie, les travailleurs de Roumanie, du Portugal, de Bulgarie et d’Espagne devraient pouvoir venir en Suisse. Mais les frontières sont fermées et les avions cloués au sol… Pourtant, rappelle la FSV, «les secteurs de la santé, de l’agriculture et de la logistique ont un besoin urgent de personnel».

Un lent retour à une éventuelle normale…

D’autres moyens, financiers, devraient être mis à disposition des vignerons : allègements fiscaux, crédits-relais et des reports d’amortissement de dettes. Mai et juin devaient être deux gros mois pour la promotion des vins suisses avec les «caves ouvertes» à tour de rôle dans les cantons. Elles ont toutes été renvoyées, sans doute à l’automne, avant ou après les vendanges… là où de nombreux lieux de production fixaient déjà leurs portes ouvertes locales. La FSV note que «lorsque les mesures restrictives seront levées, les pertes enregistrées durant cette crise due au Covid-19 ne vont pas être compensées. (…) Les gens ne reprendront pas leurs habitudes. (…) Les touristes vont manquer en 2020. Les cuves risquent de rester pleines et la capacité d’encavage, manquer.»

On n’ose conclure ce mauvais quart d’heure par le bon mot vaudois : «Santé et conservation !»

©thomasvino.ch