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Posted on 6 mai 2020 in Vins du monde

Un épatant tour du monde des vins méconnus

Un épatant tour du monde des vins méconnus

C’est une très agréable surprise que ce gros album de 334 pages, de format quasi carré. Comme l’écrit son auteur, Jean-Baptiste Ancelot, «il n’est ni guide, ni atlas, ni carnet de voyages, mais un peu de tout cela». C’est, surtout, un voyage de quatre ans dans 88 pays, inscrit dans le rétroviseur. Et pour convaincre les potentiels lecteurs, le jeune Français «wineexplorer», poste régulièrement des capsules vidéos sur Youtube.

Par Pierre Thomas

Ce matin (6 mai 2020), c’était un… cours de poterie sur les qvevris de Géorgie. Le pays, sans doute berceau du vin, il y a près de 10’000 ans, et dont la méthode de «vins orange» inspire aujourd’hui les bobos de la planète. Jean-Baptiste Ancelot dit avoir consacré onze ans de sa vie à cette aventure totalement folle : 4 ans de recherches, 2 ans de préparation de levée de fonds, 4 ans de voyage (on l’a dit), six mois de vérifications et 6 mois d’écriture. Ce «1er tour du monde du vin» paraît chez www.omniscience.fr (vendu 35 euros).

La plus grande réussite du livre, c’est sa formule, soit sa présentation et son rythme : de nombreuses photos, qui mettent les vignobles sous leur meilleur jour, des données statistiques sur la surface du vignoble, la production de vin, le pourcentage des cépages et le nombre de domaines, ainsi qu’une brève colonne consacrée à l’histoire. Ensuite, le choix d’une ou plusieurs régions, avec deux vins sélectionnés et commentés, et un petit portrait d’un œnologue ou d’un vigneron, dans un tiers des cas, une femme, et souvent, des expatriés français ou formés dans les écoles françaises.

Ce tour du monde, par ordre alphabétique, débute et se termine en Afrique : celle du Sud, et le Zimbabwe, son voisin du nord. Il y a, bien sûr, de grands et petits pays viticoles. Aux premiers, Ancelot dédie le portrait de trois régions de production (France et Italie, on y revient…), ou deux régions (Australie, Autriche, Canada, Chine (si on ajoute au Ningxia, la politiquement incorrecte, vue de Pékin, île de Taiwan), Croatie, Espagne, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande et Portugal).

Pour la France, vous vous dites : Bordeaux, Bourgogne, vallée du Rhône (ou Alsace ou Champagne). Eh bien, le facétieux découvreur s’en va avec son camping-car sillonner les bords de la Méditerranée, en Corbières, les Côtes de Toul et le… Pas-de-Calais. Un parti pris choisi aussi pour l’Italie, avec les Cinque Terre (dont on a oublié qu’elles sont classées au Patrimoine mondial…), le Piémont (de la barbera et non du nebbiolo) et la Sardaigne (plutôt que la Sicile). On découvre le seul domaine d’Irlande, du Gabon, du Sénégal, de la Syrie et du Vénézuela. Et on retrouve avec plaisir à Ynchuan Emma Gao et en Ouzbékhistan l’ineffable faciès de la dégustatrice du principal domaine de Samarcande. En Russie, dans la région de Krasnodar, le Domaine Burnier et son krasnostop… qu’on retrouve dans le Vully, comme portrait «du» (seul) vigneron suisse (sur les 2050 domaines helvètiques). Le choix est radical pour la Suisse aussi : chasselas avant tout ! (dont l’origine suisse est mentionnée dans le tableau des cépages…) Avec deux exemples, vaudois, celui du Domaine de Maison-Blanche, Mont-sur-Rolle, d’Yves de Mestral, et Les Blassinges, Saint-Saphorin, de Pierre-Luc Leyvraz. Et le Valais ? Le principal canton viticole est cité pour la plus petite vigne cadastrée du monde, celle de Farinet et ses 1618 mètres carrés (soit le nombre d’or), propriété du Dalaï Lama !

Pour l’ouvrage, la Suisse pointe au 34ème rang pour la superficie du vignoble et comme 23ème producteur mondial. Des chiffres à vérifier chaque année, surtout après 2018, un millésime atypique, que les statistiques reflètent. Alors que la Suisse avait réussi à renverser le cliché de productrice de blanc avant tout, au profit du rouge, voilà que le blanc a davantage produit l’année dernière (2019)… A juste titre, l’auteur déplore que les chiffres de la planète vin mélangent allègrement raisins de cuve et secs, ou destinés à l’alambic, même à l’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin).

En résumé, le vignoble mondial, c’est 5 millions d’hectares, répartis en 188’200 domaines (26,5 ha de moyenne, alors qu’en Suisse, on en est à un plus de 7 ha par encaveur), produisant autour de 270 millions d’hectolitres (soit la consommation totale des vins en Suisse, qui produit moins de 100 millions de… litres par an).

Si l’envie lui en dit, Ancelot, 35 ans et jeune père, et ses acolytes photographes pourront repartir pour un tour de la planète vin, qui déborde de ses frontières naturelles, sous le Sahara ou au-delà du Rhin, avec ces étonnantes production en Belgique (87 domaines), Hollande (139), Pologne (230), Angleterre (164), mais aussi au Danemark (104), en Suède (76) et en Norvège (4). Les cépages résistants (PIWI), alliés au réchauffement climatique, jouent pleinement en faveur de la vigne «locale» au Nord. Et au Sud, nombre de pionniers s’essaient à la vigne, comme en Asie, par exemple en Thaïlande où, curieusement, le seul domaine viticole que j’ai visité ne figure pas sur la carte…

Le livre rappelle aussi celui d’un autre auteur français, Pierrick Bourgault, «Vins insolites» (2015), chez JonGlez (29,90 euros) qui ravira non pas les «buveurs d’étiquettes», mais les vrais amateurs de curiosités. Car le monde du vin est comme le tonneau des Danaïdes: on y apprend toujours quelque chose! Et même à chaque millésime que Dionysos-Bacchus fait…

PS : Je me suis permis de donner les liens sur mes propres articles, résultant de mes voyages.

©thomasvino.ch